Ash of Gods : Redemption

Premier titre du studio russe AurumDust le « JDR de stratégie sur rail » Ash of Gods : Redemption possède des similarités confondantes avec la série des Banner Saga. Drôle de modèle, tant copier un jeu aussi singulier peut s’apparenter à un plagiat. La promesse kickstartesque de thématique mature, de complexité philosophique et d’univers atypique a-t-elle été tenue ?

Du trailer au début du jeu, AoG : R frappe d’emblée par sa ressemblance avec la trilogie Banner Saga. Pire, Ash of God copie aussi les tares de son modèle. On a beau chercher une passerelle, un moteur, un transfuge pour expliquer ce pompage aussi manifeste, en vain. Difficile de croire que les jeux proviennent de deux entités distinctes. Et oui, soyons clairs, si vous avez aimé ou détesté BS, vous aimerez/détesterez très vraisemblablement AoG : R. C’est l’intime conviction de votre Bee Holder favori que portée devant un tribunal, une plainte pour plagiat aboutirait à une condamnation cinglante. Mais comme ce test n’est pas celui de BS, nous allons tenter de garder un regard neuf et ne plus évoquer celui-ci. Ça ne va pas être facile.

Il était une fois, dans un royaume lointain

Dans un pays qui ressemble pas mal au Tibet et au Bhoutan, un père de famille retraité de la milice se promène en ville avec sa fille. Il ne le sait pas, mais il y a plus de 700 ans une bataille avait confronté les hommes à des entités spirituelles démoniaques (re)incarnées. Et l’heure de l’apocalypse a sonné. Le temps de fuir la ville, et voilà notre équipe sur les routes, fuyant une peste que seule une pierre magique peut stopper. Plus tard, un immortel prisonnier d’ un corps humain, et un psychopathe tueur à gages tatoué connaîtront aussi leurs propres aventures dans trois arcs narratifs imbriqués.

Certains caracter design sont clairement inspirés d’acteurs, ici une copie de Lance Henriksen, qui joue dans Alien. Vous croiserez aussi un presque Klaus Kinsky et un type qui pourrait être Madds Mikelsen de retour fracassé de boite.

Il était une fois il y a bien longtemps  

Bon point pour les personnages divers. Le potentiel pour raconter une histoire intéressante est là. La thématique adulte aussi : meurtres, petits enfants morts, sacrifices humains, intrigues.

A ce background touffu se rajoute une méta-intrigue indigeste qui va vite à la fois vous endormir et vous embrouiller. C’est simple, jouer à Ashes of God  donne parfois la désagréable impression de commencer le seigneur des anneaux par les deux tours. Si les méta-intrigues sont un moyen classique de donner à une œuvre littéraire une profondeur en lui donnant un passé, elles doivent être abordables pour ne pas compliquer inutilement la choucroute.

La plupart de vos personnages combattront à un moment où un autre blessés et avec des malus, à 4 blessures la mort est définitive.

L’exode, c’est la galère

Toujours sur la corde raide, Ash of God parle de sacrifice permanent : votre caractéristique morale oscille entre basse et moyenne, les ressources limitées en pierres magiques vous obligent à sacrifier des personnages pour en protéger d’autres et les difficultés respectables (sans être impossible) des combats vous oblige à la jouer finement.

Les classes de personnages sont assez équilibrées, et induisent des stratégies très différentes

Préparez-vous à être un peu crevard, une chose qui va à l’encontre de la montée en puissance du JDR type, mais qui avec Kingdom Come semble à la mode ces derniers temps. Les combats sont organisés en tour par tour sur une grille, avec des tours type deathmode. Ce qui signifie que même à 5 contre 1, chaque camp va jouer chacun son tour quel que soit le nombre de protagoniste (comme aux échecs quoi) et donc le dernier adversaire debout va jouer 5 fois dans le tour si vous avez 5 perso face à lui.

Ce qui oblige à repenser quelques doctrines d’engagement en tour par tour, tout en étant profondément irréaliste et mesquin: un ennemis puissant resté seul sur la carte va vous abattre beaucoup plus rapidement seul qu’avec ses sous-fifres en vie. La pauvreté absolue des types d’adversaires (on va dire une dizaine d’unités) est un peu rédhibitoire. Stratégiquement les possibilités de buff sont intéressantes, et la ressource énergie limite votre champ d’action et tout adversaire sans énergie voit ses dégâts physiques doublés. Enfin, des cartes magiques font office de sorts déblocables  au bout de x rounds, et peuvent influer sur la bataille, tout comme quelques objets. La prise en main est rapide, tout comme la courbe d’apprentissage.

Chaque pas vous affaibli, ce qui risque de vous dissuader de trop vous balader.

Une exploration sur rail

De bataille en bataille, vous avancerez sur des rails (je préfère le terme de rail-RPG à celui de visual novel-RPG). Typiquement vous aurez le choix entre un et trois passages sur la carte à chaque étape pour aboutir au final aux mêmes goulets d’étranglement. Ce ne serait pas une mauvaise idée, si les ressources limitées ne vous obligeaient pas à rallier prompto les destinations en allant au plus court. Quelques événements aléatoires glauques apparaissent périodiquement, sans impacts majeurs sur la trame principale. A noter que le système de sauvegarde automatique relou m’a empêché d’explorer l’arbre des choix possibles, et qu’à moins de rejouer du début j’ai eu vraiment du mal à peser l’impact des décisions sur l’intrigue. Je soupçonne que le poids de celles-ci a été VRAIMENT exagéré.

 

Des bons points cependant

A noter, la musique très « orientalisante » excellente, avec ses chants de gorge mongols et à l’ambiance assez lourde, presque occulte. On s’attache aux personnages typés : esclaves sexuelles en fuite, tueur impitoyable se découvrant une conscience fragile, père prêt à tout pour sa fille, alcoolique en peine de cœur et sage cynique et humaniste.

Tous semblent chercher une raison de continuer à vivre, aimer et se battre dans un monde qui glisse lentement dans la folie furieuse. Pendant quelques dizaines d’heures, vous partagerez leur fuite désespérée et l’envie de savoir comment ça finit vous poussera bien plus en avant que les combats répétitifs et les dialogues.

Les dialogues sont assez dirigistes, au point que le jeux vous fait remarquer quand votre réponse aura un impact significatifs. Les PNJ ont des histoires intéressantes et des personnalités variées.

Conclusion

Je trouve AOG : R distrayant sans être révolutionnaire et souhaite saluer le désir d’offrir une histoire mature et atypique en copiant sans vergogne un autre jeux mature et atypique. Cependant, il souffre de la concurrence de la référence actuelle dans ce marché de niche du rail-rpg pour grande personne : blackguard 2.

 

Mon conseil : Attendez qu’il soit à 10€ si l’expérience (une vingtaine d’heures) vous tente.

 

Graphismes & sons 3/5

Interface de combat 3/5

Scenario 3,5/5

Fun/Jouabilité 3/5