Dishonored

Arkane Studios le petit studio Lyonnais à qui l’on devait l’excellente surprise d’Arx Fatalis de 2002 (houla,… 10 ans déjà !) a fait du chemin depuis. Entre Arx, Dark Messiah et Dishonored, Raphaël Colantonio a laissé transparaître son style de prédilection, le jeu en vue subjective offrant une grande immersion et une liberté importante mettant l’accent sur la composante furtive. Dans son interview de l’époque sur le Lair, Raphaël parlait d’un jeu affirmant sa « position de 1st person immersive, cela veut dire appuyer sur l’ambiance, l’immersion, le stealth, un monde ultra détaillé,… et de l’interaction de haute voltige ».

Dishonored c’est précisément cela.

La planification avant l’attaque

De prime abord, on pourrait qualifier le jeu de simple FPS, avec sa vue subjective, ses armes, ses ennemis. Pourtant Dishonored est bien plus. Il s’agit d’un mélange de genres. Dans un monde victorien, que l’on pourrait aussi qualifier de Steampunk, puisqu’il contient également des inventions telles que des portails électrocutants, ou encore de la magie, vous incarnez Corvo, le garde du corps de l’Impératrice d’une ville portuaire dont la principale ressource est la chasse à la baleine. La ville se trouve dans un triste état, alors qu’une invasion de rats porteurs de la peste a infecté la moitié de la ville et que la maladie décime la plupart de ses habitants. Jeté au cachot suite à un coup d’état, il s’agit pour vous de rétablir votre honneur et surtout de vaincre l’usurpateur afin de remettre l’héritière sur le trône. Pour arriver à vos fins, vous aurez droit à neuf actes (missions) dans divers quartiers de la ville.

L’architecture de Dunwall

C’est justement dans l’exécution de ces missions que le jeu prend toute son ampleur. Il ne s’agira de prime abord que d’objectifs simples, mais il existera de très nombreuses façons d’arriver à ses fins. Arkane aura « simplement » modélisé des quartiers entiers de la ville, avec ses portes, ses fenêtres, ses gouttières, … et les moyens d’atteindre son objectif seront multiples, que ce soit pour le chemin pour y arriver, ou que ce soit la manière d’y arriver. Pour faire disparaître quelqu’un il est possible de le tuer, mais aussi d’employer des voies contournées en l’incitant à quitter définitivement la ville. Assassiner discrètement quelqu’un reste toujours possible, mais comment faire disparaître le corps ? Le jeter dans l’eau ? L’incinérer ? Le faire dévorer par les rats ? Faudra-t-il se frayer un chemin sanglant jusqu’à sa victime, ou allez-vous essayer de la jouer fine, en se dissimulant et laissant inconscients les gardes plutôt que de les tuer ? La diversité des approches est l’une des grandes forces du jeu.

L’attaque frontale… la moins bonne des solutions

Aux options choisies pour arriver à ses fins, le joueur générera une certaine quantité de chaos. Facteur qui influera directement sur l’état du monde alors que l’histoire se déroulera. Un joueur laissant un véritable charnier verra la ville évoluer, avec des rues jonchées par des rats, des habitants pestiférés à l’état de zombies à chaque coin de rue, et des gardes sur les dents. D’un autre coté, le joueur discret parcourra des rues d’une relative tranquillité et des forces en présences peut être moins agressives, mais aussi peu enclines à être distraites par des pestiférés ou des hordes de rats errants.

Corvo peut faire appel aux rats pour se débarrasser de ses adversaires

Vous l’aurez compris, Dishonored brille particulièrement de par son level-design, prenant largement en compte toutes les options possibles qui pourraient passer par la tête du joueur pour arriver à ses fins. Le maître mot de l’assassin est l’adaptabilité. De ce fait, Corvo disposera de tout un arsenal adapté aux différentes approches possibles. A sa lame, qui ne le quittera jamais, il pourra adjoindre un pistolet, une arbalète, quelque gadgets ou encore certains pouvoirs qui lui seront conférés par une entité, l’Outsider. Ces compétences magiques, allant du très utile clignotement, permettant de se téléporter à quelques mètres de son emplacement, jusqu’à l’arrêt du temps, en passant par l’invocation d’une horde de rats, ou la possession d’un rat ou d’un humain pour passer certains endroits protégés, seront à la fois très utile, éléments souvent indispensables de la jouabilité du titre, sans pour autant donner un sentiment d’invincibilité du personnage. On constatera assez vite, et de manière réaliste d’ailleurs qu’au contact votre personnage sera loin d’être un surhomme sans utiliser ses pouvoirs. Le moindre combat seul contre trois adversaires, alors que les pouvoirs ne sont pas disponibles se finira le plus souvent avec quelques pouces de plomb dans les tripes ou d’acier dans la gorge. Il s’agit donc d’utiliser à bon escient la furtivité, les chemins détournés, et l’ensemble de l’arsenal disponible. On appréciera tout particulièrement la richesse des quartiers de la ville de Dunwall, les réactions de ses habitants, leurs conversations donnant parfois des indices utiles sur le chemin à parcourir, sur les objets à trouver, tels que les runes de pouvoirs, étendant les pouvoirs magiques de Corvo, les charmes d’os, donnant certains bonus ou résistances, ou encore d’autres informations disséminées intelligemment dans les niveaux parcourus.

Une réception huppée…

A cette richesse dans les niveaux et dans le gameplay s’ajoutera une grande richesse du monde imaginé par Arkane. Original, intéressant, la ville de Dunwall et son univers est déroutant, attachant dans une certaine mesure et rafraichissant. Au final on ne regrettera à ce niveau que la relative simplicité du rôle du joueur, se bornant à n’être qu’un pion dans le jeu de lutte pour le pouvoir. L’univers est vaste, les questions sans réponses sont nombreuses, et on a l’impression de ne parcourir qu’un vague extrait d’un ouvrage bien plus imposant.

Graphiquement, le jeu n’est pas en reste. Si le moteur de jeu reste relativement modeste et ne brille pas particulièrement par sa puissance, avec certains effets faisant effet parfois de cache-misère, l’aspect artistique quant à lui n’est absolument pas en reste. On appréciera tout particulièrement l’architecture baroque matinée de SF, l’aspect et la richesse des intérieurs, avec leurs tableaux, mobilier, tapis, et la moindre affiche rajoutant de la substance à ce monde déjà riche. La bande sonore est très sobre, et ce seront plus les bruitages de la ville assez bien rendus qui aideront à l’ambiance du jeu.

Assassinat chez les filles de joies… que faire du témoin ?

Vous l’aurez compris, même en n’étant absolument pas fan de FPS, j’ai grandement apprécié Dishonored, mais peut on encore le qualifier comme tel ? Ce titre est plus proche du genre que nombre de jeux se voulant des RPGs le sont.  On apprécie grandement le travail exécuté sur le monde, l’approche non linéaire des différentes missions du jeu et du gameplay et la liberté offerte au joueur.

Du coté des critiques, mis à part une durée de vie relativement modeste (12 heures de jeu)  on ne relèvera pas grand chose. Certains petits problèmes d’ergonomie du pouvoir clignotement, la redondance agaçante de certaines remarques de gardes en patrouille, l’absence de la gestion des ombres (ce qui est un peu dommage pour un jeu misant en grande partie sur la furtivité), et la linéarité globale de son histoire. Bref, des bricoles.

Pour le reste, Arkane réalise presque un sans fautes, et je ne peux que conseiller cet excellent titre.

 

Dishonored / Arkane / Bethesda / 2012

Notes

Graphismes & Sons : 4/5

Interface de combat : 4/5

Scénario : 4/5
Mention spéciale à l’univers imaginé : 5/5

Jouabilité (fun) : 5/5