Vampyr

Une direction artistique exceptionnelle

Le studio français DontNod est surtout connu pour son talent d’écriture et scénaristique, et si le dernier titre qui a fait son succès, Life is Strange, n’a rien d’un jeu de rôle, mais ressemble plus à un jeu d’aventure style de ceux que fait Telltale Games, j’ai pu en apprécier grandement l’ambiance et le scénario un peu atypique. Lorsque le studio a annoncé un véritable jeu de rôle, on pouvait espérer quelque chose de particulier, surtout au vu du concept de base.

Les dialogues au coeur du jeu

Vampyr met le joueur dans la peau d’un chirurgien de retour de la Grande Guerre, dans un Londres dystopique, où la grippe espagnole a fait des ravages à un tel point que les différents quartiers sont peuplés de charniers, mais aussi un endroit où les vampires ont prospéré jusqu’à ce que des gangs de chasseurs parcourent les rues.

L’idée de base, était surtout de faire non pas un jeu de rôle où le personnage va évoluer pour être plus fort, trouver des trésors et combattre pour gagner de l’expérience, mais un titre où l’implication émotionnelle du joueur se devait d’être forte, afin de savoir quelles sont les personnages de la population à sacrifier pour nourrir la faim insatiable de notre vampire. Pour cela, le studio a mis les petits plats dans les grands par rapport au budget dont ils disposaient, en sacrifiant un peu la liberté du joueur, mais en proposant un titre aux dialogues, visuels et musique bien particuliers. Ici, exit les mondes totalement ouverts, les quartiers se découvrent petit à petit, avec des points de passages bien précis, mais le tout est de taille très respectable, surtout au vu des circonvolutions de l’architecture et des voies d’accès aux différents endroits à explorer. 

Notre médecin vampire

Avec cettedirection artistique totalement maîtrisée, ce qui est le point fort du studio déjà présent dans leurs autres titres, le studio DontNod s’est surpassé avec vampire, où les ténèbres de Londres sont glaçants de réalisme avec son fog londonnien, et une partition musicale au violon de haute volée (ça se dit ça ?). Sur ce point, il n’y a rien à dire, le jeu est indubitablement une oeuvre à part, un jeu exceptionnel.

Au niveau du gameplay, tout n’est pas aussi évident. Le principe était de faire découvrir les différents quartiers de Londres, et par de très nombreux dialogues, de faire découvrir la vie des habitants, leurs projets, espoirs, craintes, leur vie, quoi, afin de savoir qui sacrifier au final. C’est en effet le déblocage de certains éléments de dialogues qui permettront à notre vampire de connaître plus les habitants et de ce fait d’en retirer plus d’expérience.

Oui, vous avez bien lu, bizarrement plus vous en saurez sur les habitants, plus ils vous donneront de l’expérience, car ce ne sont pas les combats (ou alors de manière anecdotique) qui vous permettront de progresser, mais bien le meurtre, à vider des habitants de leur substance vitale.

Ambiance…

Les quêtes, me direz-vous ? Eh bien non, ces dernières ne serviront qu’à vous rapprocher de vos victimes, afin d’en toucher un maximum lorsque vous les tuerez, tout en en tuant le moins possible pour éviter d’impacter trop la vie du quartier, chacun se connaissant, et la mort d’un simple quidam ayant un impact certain sur son entourage. 

Si le concept parait très intéressant, il n’en est malheureusement rien lorsqu’on s’y met vraiment. On passera rapidement sur les incohérences, où le meurtre d’un chasseur de vampire ne rapportera rien ou presque, et n’aura aucun impact mais où le meurtre d’un des habitants proposant des dialogues vous en procurera cent fois plus. Et de l’expérience, il vous en faudra. A chaque point de sang gagné, le total augmentera et le joueur aura le privilège de débloquer ou de faire évoluer des pouvoirs de vampires bien utiles durant les phases de combats.

Les habitants d’un quartier… Qui tuer ? Qui aider ? Qui laisser vivre ?

Ce sera justement au niveau de ces phases de combats que le bas blesse. Ces derniers, exclusivement action, sont une véritable calamité. Entre l’utilisation d’armes couplées à vos pouvoirs, on se retrouve à effectuer inlassablement des combos frappe/frappe/dash/frappe secondaire/frappe, etc… mais inlassablement dans le même ordre et sans aucun plaisir, avec une diversité d’adversaires peu inspirée. 

Si ces derniers n’étaient que rares, ils seraient supportables, mais force est de constater qu’ils sont bien là, et nombreux. Très nombreux. A côté, le jeu alterne des phases de dialogues intéressantes, fouillées, mais dont l’issue finale ne fait qu’augmenter les sacs à points d’expérience que sont vos interlocuteurs. Après, nous revenons à des phases de combat, bien trop nombreuses et répétitives pour être intéressantes.

Paradoxalement, les bourrins qui tueront sans discrimination, sans trop s’attarder sur les habitants verront leur puissance augmenter rapidement, et les combats en seront facilités. Par contre, les gens plutôt réfléchis cherchant à faire les quêtes, discuter et ne pas tuer les habitants inutilement, et pour lesquels les combats sont secondaires, seront récompensés avec des combats plus nombreux et d’une difficulté relevée, voir infaisables, en raison de leur manque de puissance. Bref, il va falloir tuer du NPC, et en tuant trop de NPC, on finit par sacrifier un quartier au chaos.

Vampyr est un des rares jeux qui va donner des combats plus nombreux à ceux que ça intéresse le moins. Curieux.

Ces gentils suceurs de sang…

Alors soyons clairs, Vampyr n’est pas un mauvais jeu, il brille tout particulièrement par les habitants dont il est peuplé, chacun avec ses histoires, ses secrets, …. il brille également par sa direction artistique exceptionnelle, ses décors, et son ambiance sonore. 

Par contre, le concept même de jeu de rôle où l’expérience se gagne en tuant les PNJs qui distribuent des quêtes était voué quelque part à l’échec. Sur le papier, cela paraissait excellent, mais la superposition des combats facilités par le meurtre y était la preuve que DontNod se fourvoyait.

Enfin bref, écrire ce test est quelque part un crève-cœur. Nous sommes en présence d’un des rares jeux où les personnages sont bien fouillés, où la psychologie fait partie intégrante du titre, avec en plus une direction artistique rare, et pour ne rien gâcher, l’histoire est intéressante.

Pourtant, me concernant, y jouer était un véritable calvaire d’ennui lors des phases de combat. …et des phases de combat il y en a beaucoup, beaucoup, tant qu’au final il sont vraiment au cœur du gameplay. Vous me direz que les dialogues rattrapent le tout, mais lorsqu’on se rend compte que la seule récompense de ces derniers sera de rendre plus rentable le meurtre du PNJ concerné, on balaye par là toute implication émotionnelle, et c’est précisément sur ce point que Vampyr est un échec alors que cette implication émotionnelle devait résulter de son concept de base.

Alors faut-il conseiller ce jeu ? Oui et non, cela dépendra de vous et de votre perception du système de jeu. Si vous cherchez un titre avec de bons dialogues bien fouillés, et qu’un action-RPG bien bourrin ne vous rebute pas, vous y trouverez votre plaisir et le jeu est réussi. Par contre, si l’un des deux genres vous déplaît, l’expérience sera moins plaisante et vous passerez dans tous les cas à côté de l’émotion qui aurait pu émaner du titre.

Notes

Graphismes & Sons : 5/5
Si le moteur de jeu montre quelques limites avec des endroits de passage spécifiques, la direction artistique et la musique sont percutants et adaptés.

Interface de combat : 2/5
Il y a pire, mais bon, c’est du pur action-RPG, et malheureusement sans saveur ni génie. Si les combats n’étaient pas au cœur du jeu ils seraient supportables. Mais là ils ne font que briser l’immersion…

Scénario : 4/5 
Un scénario global plutôt intéressant, des dialogues de NPCs bien fouillés, mais le tout tient avec de grosses incohérences histoire de ficeler le gameplay. On se retrouve avec des NPCs à histoire qui rapportent de l’expérience, des NPCs sans histoire (les chasseurs de vampire), qui ne rapportent rien, et des vampires intelligents ou non… 

Jouabilité (fun) : 3/5
Difficile de noter un tel titre. Un concept qui parait génial sur le papier, de bons ingrédients et pourtant une mayonnaise qui ne monte pas en ce qui me concerne. Quelque part je pense que DontNod se serait limité à un jeu à dialogues à consonance RPG, genre The Council, le résultat aurait sans doutes été exceptionnel au vu de leur talent pour les histoires et l’ambiance.