Wasteland 2

Près d’un quart de siècle après le premier opus, Brian Fargo a souhaité relancer le jeu de rôle pur et dur dans le style « old school ». Fort d’une campagne kickstarter fulgurante, on a pu constater le vif intérêt qu’avaient les joueurs pour un jeu de rôle en vue de haut, avec des tonnes de dialogues et surtout en tour par tour. Ce n’est sans doute pas tant une licence antédiluvienne dont peu de gens se souviennent et présente sur des machines au doux parfum d’antiquité qui a fait vendre le titre, mais plutôt le concept de redonner ses lettres de noblesses à un genre de jeu qu’on ne voyait plus depuis bien des années.

A ce titre, Wasteland 2 est une réussite.

Totale.

Wasteland 2

La fiche de création de personnage : le dilemme

La fiche de création de personnage : le dilemme

 

Après une vidéo d’introduction bien sympathique mettant tout de suite le joueur dans le bain. Un holocauste nucléaire, les ruines fumantes irradiées où se côtoient en plein désert de l’Arizona les survivants d’un camp de prisonniers. Criminels, cannibales, fanatiques religieux et quelques autres, tout ce beau monde cohabitera, ou plutôt vivront pour la plupart aux dépends des autres. C’est là, que vous, Desert Rangers, êtes chargés de rétablir un semblant d’ordre et de civilisation. Après cette séquence bien sentie, on se retrouve sur un écran de création de personnage à faire pâlir et sans doute effrayer tous ceux qui croyaient qu’un Dragon Age représentait ce qu’il y avait de plus fouillé dans les RPGs contemporains. Il faut avouer que cela faisait longtemps qu’on ne nous avait pas demandé de créer une équipe sans avoir trop de notion des effets nos choix, et croyez moi, ces choix ne seront pas anodins. On en avait perdu l’habitude depuis fort longtemps, mais cette fois la lecture du manuel n’est enfin pas une option dispensable et à prendre à la légère. Le but de la création de votre équipe de quatre « Desert Rangers » sera de spécialiser au maximum les capacités de chacun.

Sélection des compétences en fin de partie - loin d'avoir tout maximisé

Sélection des compétences en fin de partie – loin d’avoir tout maximisé

Avec la tonne de compétences diverses possibles on peut dire qu’on aura l’embarras du choix. Aux 7 compétences purement martiales se rajouteront une 20aine de compétences techniques et de relation humaines avec des subtilités de distinctions telles que premier soins et toubib, mais également au niveau des compétences sociales, on distingue lèche-cul, petit malin et intimidation. A la création, toutes ces compétences seront accessibles, mais au vu de mon expérience et du manuel, il est vain d’espérer exceller dans trop de domaines. Un choix se restreignant à 4-5 compétences grand maximum est le seul choix viable. Autant dire que ce choix sera épique, d’autant plus qu’il faudra également déterminer les caractéristiques de vos personnages, entre coordination, chance, perception, force, vitesse intelligence et charisme.
Bref, de manière optimale, j’ai fait se faire côtoyer l’abruti musculeux adepte de combat rapproché et des gros calibres, là frêle tête à claque de beau parleur dont le charisme se mesure avec son habileté au revolver, le technicien voleur dont la dextérité au couteau et aux pistolet-mitrailleur compense son manque de charisme, et le toubib apte à raccommoder les plaies les plus béantes, à faire exploser la tête d’un adversaire avec son fusil de sniper ou à liquéfier l’adversaire avec son blaster.

Pris individuellement, cette bande d’éclopés de la vie sont bien inadaptés et n’iraient pas bien loin, d’autant plus que toute carence dans une compétence se payera cher dans la suite du jeu, mais en groupe, il y aura toujours moyen de compenser les lacunes de l’un ou de l’autre. Il y aura également la possibilité de choisir des personnages pré-tirés, mais l’obligation d’avoir une équipe équilibrée demeure.

On notera aussi la possibilité de recruter certaines personnes rencontrées en chemin qui vous suivront une bonne partie de l’aventure, mais il faut garder en tête qu’elles ne sont pas des desert rangers, et que seule la compétence de commandement de l’un de vos soldats permettra de les contrôler sans qu’il pète un câble et n’en fasse qu’à sa tête pendant les combats. Douloureuse sera aussi la chute, lorsque votre seule spécialiste en défonçage de porte pliera bagages sans préavis au milieu du jeu.

Après la (longue) création du personnage, le joueur se retrouve avec son équipe dans la base des Rangers en plein désert du Mojave.

Combats dans le Mojave

Combats dans le Mojave

C’est à ce niveau qu’on peut se heurter à une déception au niveau graphique. Si le moteur Unity a fait d’énormes progrès les deux dernières années, on constate tout de même nettement les limites visuelles imposées par celui-ci. Si les animations, notamment celles bien gores des exécutions de vos ennemis sont sympathiques, force est de constater qu’au niveau des graphismes le jeu est plutôt décevant et en retard de quelques années. Les textures de vos personnages sont assez moches, surtout lorsque l’on zoom un peu. Les décors sont assez mornes, pour le moins dans la première partie du jeu. Il faut cependant avouer que le désert du Mojave vu de haut, il n’y avait pas trop de choses à représenter. Dans la seconde partie du jeu, en Californie, les décors sont plus fouillés, et il faut avouer que certains endroits sont particulièrement réussis. Le jeu est un peu irrégulier à ce niveau, le pire côtoyant le meilleur.

Après le Mojave, les décors verdoyants de la Californie

Après le Mojave, les décors verdoyants de la Californie

Concernant les bruitages et la musique c’est plutôt réussi et l’ambiance diffusée souvent via la radio des Rangers ou par les factions, donne un air totalement décalé bien efficace à l’ensemble. Un véritable petit coup de génie donnant un style et une ambiance très particulière. Seul petit bémol, le manque de variété des musiques de combat, parfois un peut répétitive (il faut dire que des combats il y en a, avec plus de 70 heures de jeu).

Exploration de la carte en Californie

Exploration de la carte en Californie

A quoi passerez vous votre temps en tant que Desert Ranger ? Bien simple : parcourir le désert sur la carte tactique, répondre aux appels de détresse, rencontrer des groupes de survivants et promouvoir la loi et l’ordre, bref, aider les survivants de l’holocauste nucléaire. Après, comme les deux premiers Fallout en leur temps, le jeu ne posera aucun jugement moral sur vos actes, et ce seront eux qui détermineront totalement l’histoire générale qui en découlera. On apprécie d’ailleurs les dilemmes auxquels le joueur est confronté. Qui sauver lorsqu’on n’a pas le temps : ceux qui ont accès à l’eau ou ceux qui ont accès à la nourriture ? Qui aider ? Qui tuer ?

Rencontre avec un bienfaiteur de l'humanité... ou pas.

Rencontre avec un bienfaiteur de l’humanité… ou pas.

Les groupes et factions rencontrées sont biens déjantés et plus glauques les uns que les autres. Entre les religieux fanatiques qui s’opposent aux prostituées junkies, les cannibales biens sous tout rapports et les anarchistes, et d’autres factions exotiques, on choisit bien souvent entre deux maux et essayer de ménager la chèvre et le choux risquera fort de finir par aboutir à la solution inverse que celle espérée, d’autant plus qu’au sein de chaque faction, nombre de complots internes font surface…

Derrière ce scénario de base bien vague mais laissant libre cours aux choix du joueur, se profile une menace que l’on identifie très rapidement comme étant le « grand méchant » du jeu aux objectifs bien glauques, dont les ambitions devront être circonscrites une fois pour toutes. Ce n’est pas trop original, mais c’est efficace, et, ma foi, cela fonctionne bien dans le principe du jeu, puisque l’intérêt découle surtout des choix du joueur et de la manière de régler les problèmes des factions rencontrées.

Réparation de la serrure d'un coffre que notre braqueur a cassé...

Réparation de la serrure d’un coffre que notre braqueur a cassé…

Concernant les mécanismes du jeu, la foule de compétences sert ponctuellement lors des dialogues, de l’ouverture de portes, de coffre-forts, de containers divers, … L’ensemble est assez bien fichu. On peut par exemple tenter d’ouvrir un coffre avec un pourcentage de réussite dépendant de la compétence du personnage effectuant l’action, mais il y aura aussi un risque d’échec critique détruisant la serrure. Dès lors, ce sera la compétence de réparation qui pourrait remettre la serrure en l’état si le réparateur est assez doué. Dès les premières heures de jeu on comprend vite que la sauvegarde servira souvent, la réussite ou l’échec d’une action étant conditionnée à un jet de dés et un pourcentage de réussite. Lorsqu’il s’agit d’ouvrir un coffre pourri, contenant le plus souvent quelques petites pièces d’équipement, l’échec n’est pas trop grave, par contre, lorsqu’il s’agit d’un élément clef, dont peut basculer le sort d’une faction ou la résolution d’un problème important, il faudra faire un choix.

On dirait que notre braqueur a raté son jet de dés...

On dirait que notre braqueur a raté son jet de dés…

Soit continuer le jeu en acceptant qu’un coup de dés malheureux mette en échec la résolution d’une quête primordiale, soit de jouer avec les sauvegardes. Choix cornélien, sachant que les taux de réussites de ces divers éléments clés sont assez faibles malgré une compétence pourtant développée du personnage utilisant la compétence en question. On aurait peut être apprécié qu’il y ait un peu moins d’éléments relatifs à l’histoire qui soient dépendant de résultats de jets de dés, ou pour le moins que le pourcentage de réussite soit un peu plus élevé. A mon sens il aurait été plus malin que les éléments clés du scénario ne soient pas soumis aux dés, mais seulement à l’existence de la compétence. A coté de cela, pour les éléments non indispensables (butins de coffres et autres éléments annexes), Inxile aurait pu garder l’élément aléatoire, mais pré-tiré au premier chargement de la carte, pour éviter le syndrome échec-rechargement-échec-rechargement-réussite.

Altercation en sous-sol

Au niveau des combats, peu de surprises ni d’originalité. Il s’agit de combat en tour par tour avec la gestion de la couverture (se protéger derrière les éléments de décors), la gestion de la position accroupie (augmente le pourcentage de toucher), et la localisation… à la tête uniquement. Les dégâts seront calculés grandement en fonction des caractéristiques de l’arme, et aussi en fonction de son taux de pénétration de l’armure. Les armes à énergies, quant à elles verront leur effet augmenté par le taux d’armure de la cible. C’est un système qui fonctionne, le principe de la gestion de l’armure et de l’arme en fonction est intéressante, mais on constate pourtant que les vieux Fallout, datant pourtant de 1997, ou encore Fallout Tactics faisaient à certains égards mieux avec la gestion de la furtivité et la localisation complète des dégâts et des blessures en résultant.

Entamer une carapace de robot à l'arme blanche n'est peut être pas la meilleure idée qui soit

Entamer une carapace de robot à l’arme blanche n’est peut être pas la meilleure idée qui soit

Lorsqu’on a aussi goûté à des jeux tels que Divinity Orignal Sin, on se dit que quelques améliorations ou un peu d’originalité auraient pu y être apportés. Cela dit, la remarque est un peu dure. Qui aime bien châtie bien car l’ensemble est efficace, et globalement intéressant à jouer. On apprécie aussi un retour à la gestion des tirs alliés mettant un certain piment aux combats, la gestion de vos compagnons qui n’en font parfois qu’à leur tête si votre capacité de commandement est insuffisante et la gestion des armes à énergie, prenant à contrepied le facteur armure.

En conclusion, il faut le relever, Wasteland 2 est un vrai RPG old school pur et dur, qui risque de ne pas plaire à tout le monde. Le jeu est très prenant, chronophage, passionnant, mais aussi impitoyable et sans concession, pour le meilleur …mais aussi pour le pire. Il répond à mon sens parfaitement à la définition du jeu de rôle d’antan, mais aurait peut être mérité une légère modernisation sur certains points, et notamment la gestion de la réussite ou des échecs des tests de compétences. Recharger 3 fois une partie pour obtenir un résultat n’est pas amusant, et tant qu’à faire, autant ne pas permettre après un échec, un nouveau tirage menant éventuellement à une réussite après un rechargement. Mais pour cela, il faut moins d’éléments aléatoires.

Une des conclusions disponibles pour un protagoniste rencontré

Une des conclusions disponibles pour un protagoniste rencontré

Dans un autre domaine, on apprécie grandement la relative non linéarité de l’ensemble, et surtout l’énorme possibilité d’embranchements que comporte le jeu, pouvant arriver à des fins totalement différentes en fonction des actes du joueur. Jamais cet aspect du RPG n’a été poussé à ce niveau de personnalisation et l’impact des décisions du joueur sur le monde n’est pas une impression.

Un signe de qualité qui ne trompe pas, est la notion relative du temps de jeu qui est totalement différente pour le joueur que pour son entourage. Le joueur s’installant pour une petite heure de jeu risque fort de voir sa moitié relever que cette heure s’est transformée en une demi-journée voire une petite soirée en nuit complète.
Les horloges sont impitoyables.

Wasteland 2 / Inxile / 2015

Notes

Graphismes et sons : 3/5
Excellente ambiance sonore, la radio qui accompagne votre périple est un coup de génie. Graphiquement, la version du moteur Unity utilisée est clairement dépassé.

Interface de combat : 4/5
Des combats en tour par tour intéressants, mais peu d’améliorations ou d’originalité par rapport à certains titres d’il y a… 20 ans.

Scénario : 4/5
Un scénario global banal mais adapté à un jeu où le monde s’adapte en fonction du comportement du joueur. Une grande richesses des actions au sein des diverses communautés de survivants de ce monde dévasté.

Jouabilité (fun) : 5/5
Un jeu loin d’être parfait, mais pourtant un indice qui ne trompe pas : le plaisir de jeu et la perte de toute notion du temps. Ayez du temps devant vous pour vous y investir et/ou une moitié compréhensive si vous vous lancez !