Fallout 4

Fallout 4

La guerre, la guerre ne change jamais…

La guerre, la guerre ne change jamais… si cette phrase déclenche un petit frisson dans votre nuque, c’est que l’illustre série de RPG Fallout est passée par là.
Changer pourtant, la série l’a faite. D’abord avec un magnifique diptyque en vue isométrique, Interplay par le biais de feu Black Isle, nous avait fait découvrir une magnifique uchronie mettant en scène une civilisation des années 1950, après la dévastation du monde par une guerre nucléaire. Les jeux faisaient la part belle à la libre exploration, aux combats en tour par tour extrêmement tactiques, mais aussi et surtout à des dialogues profonds et une liberté décisionnelle inédites.
La licence rachetée par Bethesda a vu renaître ce monde dévasté par le biais d’un jeu en 3D, des combats en temps réel, mais toujours avec le bémol du VATS, système de pause active permettant de viser différentes parties du corps et faisant dépendre le résultat des caractéristiques du personnage.
Fallout New Vegas, développé par Obsidian, quant à lui a utilisé le Creation Engine de Bethesda, tout en mettant l’accent, comme sait le faire si bien Obsidian) sur les dialogues et le scénario, et de ce fait se rapprochait plus des premier de la série.
Avec Fallout 4, une nouvelle étape a été franchie, et il est clair que Bethesda s’est encore plus éloigné de la licence d’origine, pour en faire quelque chose de différent, se rapprochant plus du reproche récurrent qui avait été fait pour Fallout 3 qualifié d' »Oblivion with guns », n’en déplaise aux fans des deux premiers opus.
Fallout 4 garde pourtant une certaine spécificité. Non pas en ce qui concerne son monde maintenant connu, mettant en parallèle avec un certain panache à la fois un monde de science fiction et la technologie des années d’après guerre, mais surtout en raison de certains de ses éléments de gameplay.

Fallout 4

Des décors et une ambiance souvent très réussis

Graphiquement le jeu souffle le chaud et le froid. C’est à la fois dépassé techniquement et à la fois surprenant de qualité par certains côtés. Le moteur de jeu n’a pas énormément évolué depuis Fallout 3. On regrette avant tout certaines textures baveuses, le déplacement des PNJs, qui, comme d’habitude ont tendance à se retrouver avec un balais dans le fondement, tout comme les visages, dont l’expressivité et les émotions et l’humanité transparaissent tel un Terminator esquissant un sourire. Pourtant, les décors sont plutôt variés, et c’est un vrai plaisir de se promener dans les terres dévastées au milieu des arbres calcinés, alors que les orages radioactifs apparaissent, ou qu’au détour d’un village de survivants, on tombe sur un terrain de jeu pour enfant dévasté. Du côté des animations on sera aussi parfois surpris du naturel et du travail accompli lors des combats, avec des protagonistes qui se mettent à couvert pour tirer sans viser depuis une colonne, ou encore de zombies essayant en rampant de vous attraper les pieds après que vous leur ayez arraché les jambes à coup de pétoire.

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Les combats en temps réel

 

 

 

Fallout 4

Le VATS

Cela nous amène à parler justement du système de combat. Fallout 4 a été développé par Bethesda, en mettant l’accent sur le moteur de FPS, afin de permettre aux joueurs qui préfèrent des combats de ce type de profiter du jeu sans passer par le VATS.De son côté, le VATS ne met plus en pause les combats, mais ne fait que le ralentir grandement. Si le côté action est plutôt réussi, force est de constater que le côté tactique en est de plus en plus réduit à sa portion congrue. Bref, le joueur aura le choix avec un système en temps réel bien trop gourmand en munitions, et le VATS, insuffisant en lui-même par manque de points d’action, et surtout frustrant du côté tactique, puisque de viser l’une ou l’autre partie du corps n’aura le plus souvent pas une grande importance. La tête permettra de faire plus de dégâts, le corps est plus facilement atteignable, et les jambes entamera la vitesse de déplacement de l’adversaire. Le choix, en fonction de l’effet souhaité, sera utilisé mécaniquement sans trop y réfléchir. Ce ne sera que dans certains cas que viser certaines parties de l’anatomie pourront avoir des effets surprenants et bien utiles.
Avec les capacités de certains de vos compagnons, tels que le chien, la visée de certaines parties du corps aura un petit côté jouissif. Envoyer le brave Canigou débusquer une goule et la tirer par la jambe à découvert histoire que vous puissiez lui faire sauter la cervelle est un petit plaisir inédit. Force est de constater que les animations sont plutôt réussies, avec des adversaires qui essayent de vous sauter à la gorge, qui se vautrent lamentablement, qui rampent, sautent, volent, en fonction de leur condition physique. Le tout reste toutefois très orienté action, ce qui fait plutôt mal lorsqu’on connaît le passé grandement tactique de la série, à tel point que le très bon spin-off Fallout Tactics avait eu son petit succès à l’époque.

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Dialogues…

Au niveau des dialogues, Bethesda a aussi abandonné la complexité des dialogues et a opté pour quatre choix clés inspirés des quatre options présentes dans des jeux tels que Mass Effect. On aura droit au choix « Oui », « non » « peut-être (gentil) » ou « sûrement pas (caustique/méchant) ». On est très loin des choix à arborescence multiple présents dans les premiers opus ou même dans Fallout 3 / New Vegas. Plus gênant encore, la plupart des choix obtiendront la même réponse et auront finalement la même conséquence quel que choix le choix du joueur, avec quelques points d’expérience supplémentaire pour l’utilisation d’une compétence adaptée mise en jaune pour l’occasion. A noter aussi que la qualité de l’écriture est assez ordinaire, dans la lignée des jeux de Bethesda. Ce n’est pas extraordinaire et ne vous emmènera pas sur des dilemmes et des choix dignes de ce sait faire CDProjekt Red, et de loin… A noter aussi que nombre de PNJs n’auront strictement rien à raconter, et leur rôle se bornera à du remplissage, avec un éventuel commentaire lorsque vous les approcherez.

A ces éléments de gameplay malheureusement réduits à leur plus simple expression, Bethesda a exploré d’autres voies pour diversifier l’expérience. On noter tout d’abord un système d’artisanat assez élaboré, où le fait de ramasser tous objets rencontrés prendra signification. Le moindre rouleau de scotch, morceau de métal, pourra servir à customiser ses armes et armures, afin d’obtenir des améliorations. Ici ce sera la crosse d’un pistolet à améliorer, là ce sera le viseur à monter, ou encore le canon à remplacer. Chaque élément d’arme sera interchangeable, avec certains avantages ou contrepartie, à condition d’avoir le niveau suffisant de science pour pouvoir effectuer la modification. En parralèle, les armures subiront le même traitement, avec certains vêtement à porter en dessous, puis des pièces à mettre pour chaque membre, avec des possibilités de personnalisation poussées (telles que des poches, une résistance accrue, …). C’est assez poussé et satisfaisant du fait de la personnalisation de son équipement. On mentionnera les mêmes possibilités pour la power armor que l’on récupère assez au début du jeu. Il y a vraiment de quoi faire, et sur ce point le jeu est vraiment réussi.

Autre élément proche de l’artisanat, Il sera aussi possible de libérer certaines zones et d’y installer des colons, avec une gestion intégrale de votre ville. On récupère les matériaux de construction sur les décombres, puis on peut installer le couchage, les sources d’énergie, de nourriture, d’eau, de défense, bref, une sorte de Simcity / Minecraft plutôt bien foutu et élaboré est intégrée au jeu. C’est assez bien fait, plaisant un moment, et totalement optionnel pour le joueur. Pourquoi pas, … mais était-ce vraiment ce que l’on attendait d’un jeu de rôle intitulé Fallout ?

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Un gros travail de (re)construction par Bethesda

On est clairement en présence d’un jeu faisant la part belle à l’exploration promettant quelques belles surprises, avec une ambiance très réussie, des combats en temps réel tout à fait corrects, avec quelque chose d’original par rapport à un FPS, le VATS, permettant de ralentir l’action et d’agir de manière un peu plus tactique mais passant au second plan par rapport aux deux opus précédents.

Le scénario relativement classique, avec comme objectif au départ de retrouver son fils, finira par s’affranchir de cet objectif par une pirouette, pour mettre le joueur face à des enjeux plus importants, en se rangeant du côté d’une des factions antagonistes du jeu.

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La Confrérie de l’Acier est dans le coin…

On aura le choix, entre les gentils mais fades miliciens, la Confrérie de l’Acier vénérant la technologie, la Confrérie du Rail qui souhaite libérer les synthétiques, et la dernière faction, l’Institut qui souhaite les asservir et amener l’humanité vers des destins plus évolués. Bref, il y aura de quoi faire, et le jeu, pris en tant que tel est très loin d’être mauvais, puisqu’il amènera le joueur à effectuer un choix tranché, alors qu’il y aura de quoi contester certaines des actions de chacune des factions.

En conclusion, celui qui saura s’affranchir de ses souvenirs passés, ou le nouveau joueur découvrant la licence sera en présence d’un titre attachant, proposant des activités assez inhabituelles et le choix de faction changera intégralement la dernière partie du jeu. C’est un élément de gameplay toujours très agréable.

Celui qui a pourtant connu les premiers opus de la série Fallout risque de ne pas pouvoir passer outre ses souvenirs et jamais un titre de la licence ne s’est autant éloigné de ses principes de base. Le choix de personnalisation de l’équipement était une bonne idée, allant dans le bon sens, mais était-il vraiment nécessaire d’implémenter la possibilité de construire une ville de réfugiés dans un jeu de ce type ? S’adresse-t-on au même public ? N’était-ce pas un gaspillage des ressources de développement et n’aurait-il pas été plus opportun de se focaliser vers le public du jeu auquel il s’adressait ?

Quelque part, Bethesda a fait le choix d’élargir son public, de proposer d’autres éléments que ceux qui sont propres au jeu de rôle, peut-être afin de contenter et d’attirer d’autres joueurs. Tout le problème est que le jeu se revendique comme la suite d’une des séries de jeu de rôle les plus célèbres, toute sa communication a d’ailleurs été faite en ce sens, et en même temps, il s’affranchit pratiquement de tout ce qui définissait la série.

A une époque où nombre de jeux de la concurrence se recentre avec bonheur vers l’origine de certaines grandes licences du RPG, Bethesda fait le choix de s’en éloigner encore et toujours, néanmoins en proposant quelque chose de différent. Est-ce une stratégie gagnante ? J’en doute. A force de diluer la formule de ce qui faisait cette série quelque chose de mythique mythique, Fallout risque un jour de finir dans les limbes vidéoludiques à force de perdre son âme.

En attendant, nous sommes en présence d’un opus de bonne facture, avec de sérieux arguments, mais s’éloignant clairement de la licence.

Un très bon jeu à défaut d’être un bon Fallout, voire tout simplement  un bon RPG.

Fallout 4 / Bethesda / 2015

Notes

Graphismes et sons : 3-4/5, …selon les endroits.
Moteur dépassé mais capables encore de beaux effets. Le jeu souffle le chaud et le froid, mais on souligne l’excellente ambiance, ainsi que l’environnement sonore et musical. 

Interface de combat : 3/5
Un moteur FPS amélioré, un moteur tactique, le VATS, qui ne l’est plus trop… La note dépend vraiment du type d’expérience recherchée.
L’interface générale du jeu avec sa gestion de l’inventaire est une horreur sans nom, que ce soit au clavier ou au pad.

Scénario : 3/5
Le scénario est classique avec un retournement sympathique, mais les dialogues et l’écriture générale sont sans surprise et la quasi-totalité des missions se solde par une résolution en combattant. On est loin des solutions multiples proposées dans les deux premiers opus ou de Fallout New Vegas, même si la dernière partie du jeu dépend entièrement de votre choix de faction.

Jouabilité (fun) : 4/5
Fallout 4 brille de par son exploration et certaines options de gameplay bien pensées, comme la personnalisation de l’équipement. N’en déplaise aux fans de la série, la sorte de Simcity/Minecraft est assez réussie. On regrette plus les combats très (trop) présents et le manque de résolution alternative des quêtes. D’autre part, lorsqu’on a connu les premiers opus, il reste l’impression persistante que Bethesda s’est perdu en chemin.