Shadowrun Dragonfall

Résumé des épisodes précédents: Dragonfall est un stand-alone issu du kickstarter Shadowrun returns. Pour la bonne compréhension de ce test, il est conseillé d’avoir lu l’excellent article de moi-même sur ce jeu ICI

dragonfall

Exit Seattle, sa pluie et ses corporations toutes-puissantes ! Dragonfall vous promène dans le Berlin anar des années 2050 ! Rappel rapide des 40 dernières années : La contre-attaque à l’assaut du dragon Feuerschwinge sur la Ruhr à la frontière Franco-Allemande s’est soldée par l’émergence d’une vaste zone radioactive et magique digne du Tchernobyl de Stalker : la SOX.

« Laisse-moi t’expliquer un peu comment ça marche ici chummer. Les ombres du flu-state sont comme celles de Seattle. Sauf que nos corporations sont remplacées par des militants anonymes interchangeables. Berlin, c’est l’anarchie stable après des années de communisme et de fascisme »

Papa Schultz 3.0

Après des années de guerres européennes sanguinaires, la capitale est devenue une sorte de bastion libertaire autogéré par quartiers relativement libres de l’influence des corporations. À cela il faut rajouter les fondamentaux du « Shadoworld » : retour de la magie, mutation de l’humanité en créatures mythologiques façon Tolkien, et explosion de la technologie cyber.

Votre personnage principal se retrouvera vite embarqué dans une quête épique après une mission d’apparence banale.

Sans déflorer l’intrigue, vous devrez enquêter sur un mal ancien sur le point de faire son retour sur terre (comme d’habitude, quoi).

 

« Pour devenir un runner te faut un fixer, une planque, du chrome ou du mojo. Ça, et une bonne paire de roupettes! »

Duke Nuyen

Premier constat : le titre a peu évolué techniquement mais la façon de jouer a légèrement variée. Quand il n’est pas en mission votre personnage pourra se balader dans le quartier et hub de Berlin où se trouve sa planque. Afin de financer ses recherches et la quête principale, il devra cependant accepter plusieurs sales boulots, des shadowruns.

Qu’il s’agisse de sabotage, d’homicide sur commande ou d’extraction de données la carte changera alors afin que vous puissiez vous livrer à une infiltration plus ou moins musclée pour vos commanditaires. L’aspect exploration de la mission se bornera cependant à ouvrir quelques portes et à résoudre des énigmes simples tout en raflant quelques nuyens (la monnaie) et karma (l’expérience) supplémentaire en réalisant des objectifs secondaires faciles.

Puis, en général, vers la fin de la mission, à traiter les récalcitrants au CAL12 en fuyant ventre à terre les renforts pendant que le compte à rebours avant l’explosion défile. Classique.

Promenons nous dans la matrice pendant que l'IA n'y est pas

Promenons nous dans la matrice pendant que l’IA n’y est pas

Au total, comptez une grosse dizaine d’heures chargées en péripéties avant de voir le long, très long, générique de fin de ce kickstarter (faut bien citer chaque contributeur).

Comme Blackguard, Dragonfall est 70% baston au tour par tour, 30% exploration et rôle. Contrairement à Blackguard, l’histoire de Dragonfall est prenante, originale, enlevée.

« Ton cyberware a bien besoin d’une upgrade mon petit ork, j’ai connu des bouilloires plus hi-tech »

Das Charcudoktor strangelove

Techniquement, le jeu propose peu d’innovations à part un système de sauvegarde décent intégré rétroactivement dans Dead Man Switch (la première campagne). Enfin.

Plus gênant, certains bugs récurrents du jeu de base n’ont pas disparus : Ainsi, il est toujours possible de voir les répliques normalement liées à des compétences ou dialogues que vous ne possédez pas pendant les dialogues. Et les problèmes d’affichage persistent. Pire, ce nouvel opus apporte son lot de nouveaux bugs et de limitations frustrantes liées à la gestion d’une team de runners. Par exemple, il est impossible d’attribuer soi-même du karma ou de l’équipement aux membres de son équipe.

« Pour rien au monde je n’échangerait mon fusil à plomb pour une arme de sniper. On a une histoire depuis la maternelle, lui et moi »

Chrome Warrior (2029-2049)

Ceux-ci évoluent automatiquement certes, mais surtout lentement et mal. On se retrouve donc à revendre des armes qui pourraient être utiles à notre samouraï des rues. Ou à se farcir un shaman incompétent comme un ministre vers la fin du jeu. Vous pourrez cependant choisir quelques objets utilisables pour votre équipe (sans pouvoir enlever leur équipement de base). Malheureusement, seul votre personnage principal pourra ramasser des objets en mission, qu’il sera incapable de céder aux autres (quel radin). Ces erreurs de débutant laissent transparaitre un certain je-m’en-foutisme de la part de l’équipe des programmeurs et des testeurs qui ne s’est vraiment pas foulé pour optimiser le soft. Le contraste est d’autant plus frappant avec les auteurs. Sur cet aspect -et encore plus que pour Dead man switch- Dragonfall fait honneur à son Game designer Jason Weisman et à son bébé à l’origine du jeu de rôle papier, Fasa Corporation.

« C’est les ombres amigo, rien n’est simple. Et à la fin de la journée, survivre est une victoire »

Dodger

Le jeu original était déjà immersif et complexe dans sa géopolitique ? Dragonfall a gagné en profondeur. L’histoire s’apparente en qualité et en puissance d’évocation à une bonne nouvelle de SF.
On trouvera aussi les posts du forum de Shadowland (le darknet de l’univers) auquel j’ai rendu hommage au long de l’article ainsi que des dilemmes éthiques cornéliens. Votre équipe de runners est loin d’être constituée d’enfants de cœur et chacun a sa propre histoire.
Réservée pour le moment aux anglophones confirmés, l’intrigue passe de charybde en scylla entre science sans conscience et monstruosités magiques des ères passées : Dragonfall ne vous mettra pas dans la peau d’un héros immaculé, mais dans celle d’un simple pion sur l’échiquier de puissances qui le dépasse. C’est sa grande force et dans la droite lignée de l’esprit Shadowrun : A la fin, le monde continue de tourner et pas d’happy ending. Pas de grands méchants caricaturaux, mais du gris comme seul les ombres peuvent le générer. Et vos héros finissent l’histoire au bistrot.

« Yes we can »

Dunkelzhan

J’avais terminé le test de Shadowrun Returns sur la touche d’espoir formidable de voir le programme monter en puissance avec des nouveaux contenus maisons ou officiels et des grandes campagnes épiques. Sans décevoir mes attentes, Dragonfall ne prend pas trop de risques au niveau du gameplay, mais propose une histoire prenante old-school qui offre à lire et à réfléchir, des seconds couteaux intéressants  et des heures d’amusements.

C’est donc, à mon sens, encore un petit pas dans la bonne direction plutôt qu’un grand bond en avant pour les coregamers rolistes. Puisse les petits gars de Harebrain lire cet article et faire preuve d’un peu plus d’ambition au niveau du gameplay pour leur prochain DLC.

L’épilogue du soft se rapprochant (par certains aspects) de celle de Dead Man Switch, il est possible qu’une suite voie le jour. Mais peut être que c’est un vœu pieu de vieux joueur chevronné ?

Le jeu fera le bonheur de ceux qui adorent s'exploser les yeux sur de longs textes ecrits tout petit. Comme moi.

Le jeu fera le bonheur de ceux qui adorent s’exploser les yeux sur de longs textes ecrits tout petit. Comme moi.

 

Test par Ouil of ze be holder

Notes

Graphismes & sons : 3/5
Aucun changement avec le premier tome. C’est un peu bédé et coloré, parfois mignon, parfois un peu illisible.

 Interface de combat : 4/5
Du tour par tour classique avec quelques nouveaux sorts, armes et drones. Il semblerait que les chances de toucher aient été légèrement diminuées.

 Scénario : 5/5
Une ambiance prenante, un ton parfois léger, parfois dur, mais jamais hors tempo. Chapeau aux auteurs, c‘est du grand art. Espérons que la traduction rendra justice à la qualité littéraire du logiciel.

 Jouabilité (fun) : 5/5
Toujours dirigistes, toujours bien narré, toujours trop court. 

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