Diablo 3

Diablo, c’était la naissance d’un genre, le jeu de rôle – action / hack’n slash. On peut dire que Blizzard n’a pas enchaîné les suites à des périodes trop rapprochées. Après un premier opus en 1997 et un second en 2000, il a fallu attendre près de 12 années pour voir la suite de ce titre.

Expérience de jeu maintes fois copiées, mais rarement égalées, Diablo et plus exactement Diablo 2 est l’un de ces rares titres plus ou moins indémodables. Près de 10 ans après sa sortie, certains cybercafés continuent de proposer, avec succès, des parties coopératives de celui-ci, ce qui est particulièrement rare dans le jeu vidéo.

Graphiquement, le jeu, dans ses premières années de développement, laissait présager le pire, avec des graphismes hauts en couleur et un look relativement cartoon que certains n’hésitaient pas à comparer à World of Warcraft, la figure de proue de Blizzard. Pourtant, au final le résultat est loin de ce qui avait été montré à ses premières heures. Je ne ferai pas l’apologie des scènes d’introduction et de coupes, ni sur l’épilogue, vidéos dignes des plus belles scènes qui m’ait été données de voir sur un jeu PC, mais finalement les décors dans lequel on évolue sont franchement beaux et assez diversifiés. Les personnages, très bien animés lors des combats, rappellent de manière lointaine des personnages de dessins animés, mais le style reste globalement suffisamment sobre. On salue la beauté des décors, bien construits malgré le caractère aléatoire de ceux-ci tout en soulignant aussi la multitude de détails qu’ils contiennent. La vue, comme dans les premiers opus est fixe et isométrique, mais nombre d’éléments du décors sont activables et certains peuvent servir en combat. Ce sera ici une dalle contenant des trésors cachés, là une corde maintenant un lustre pouvant être coupée pour le faire s’effondrer sur les ennemis, ou encore des poutres de soutènement à détruire…

Dès les premiers clics de souris en jeu, le joueur qui s’est essayé aux précédents opus se retrouve en territoire connu. La jouabilité est toujours aussi stupidement addictive. Autrement dit, chaque clic de souris occasionnera un carnage sanglant sur les adversaires. Que ce soit zombies, démons, ou monstres divers, ceux-ci se feront tour à tour démembrer, exploser, rôtir, électrocuter, geler, dissoudre, dans des effets plus spectaculaires et gores les uns que les autres. Au fur et à mesure de l’avancée de son personnage, il deviendra rapidement possible, au milieu d’une mêlée, de tuer des groupes de monstres importants en un seul clic de souris. Pas de doute, on est bien dans un Diablo, le sourire niais et l’air décérébré du joueur en est la preuve.

Au niveau des personnages, Diablo 3 propose d’incarner 5 classes de personnages. Le barbare, spécialiste dans le carnage lors de combats au corps à corps, le moine, adepte d’arts martiaux,  le sorcier, classe de magie d’attaque à distance, le chasseur de démon, archer poseur de pièges, et le féticheur, sorte de nécromant, spécialisé dans le contrôle de créatures. Aux trois classes de base, se sont donc rajoutées deux nouvelles classes, toutes aussi intéressantes à jouer que les premières. On apprécie d’ailleurs la variété d’approche des combats de ces classes, surtout au vu du jeu de nature assez répétitif.

La progression, par contre, s’est simplifiée par rapport aux opus précédents. ici plus de points de caractéristiques à attribuer à chaque montée de niveau. Le personnage sera aussi en mesure d’utiliser tout type d’armes ou d’armure, sans limitation de force, de dextérité ou autre caractéristique. Ici Blizzard a fait le pari d’abandonner l’arbre de compétences et d’opter pour une progression linéaire. La montée de niveau débloquera simplement de nouveaux pouvoirs utilisables ainsi que des améliorations de ceux-ci, les « runes ». Autrement dit, le joueur pourra à tout moment choisir parmi les pouvoirs débloqués dans les rubriques »primaires », secondaires, tactiques, défensives et sur les boutons de souris, et cela moyennant simplement quelques secondes de « cooldown ». Le résultat est à mon sens un franc succès. Ici on ne se retrouve plus bloqué par un arbre de compétences fixé, gêné par de mauvais choix. De plus, il sera possible d’adapter totalement son personnage à son style de jeu, ou encore selon l’ennemi rencontré. Un sorcier trouvera plus intéressant d’utiliser certains sorts de contact couplés à certains effets contre tel ou tel type de monstres, et il sera très facile de s’essayer à d’autres types d’approche au combat, afin de trouver la solution la plus adaptée à l’ennemi et au style de jeu. Certaines critiques ont grincé des dents en accusant Blizzard d’avoir « casualisé » un jeu en en simplifiant l’évolution des personnages. A mon sens, on est loin d’une simplification abrutissante du concept. Les choix proposés dans les précédents opus n’étaient qu’illusion. A aucun moment, sauf vaguement lors des premiers niveaux, le joueur n’avait intérêt à monter une autre caractéristique que celle de la classe de son personnage. De plus une bonne gestion de l’arbre de compétences menait immanquablement à opter pour les mêmes choix, dans la mesure où seuls certains étaient viables pour telle ou telle catégorie de personnage.

La série est surtout orientée plaisir immédiat du carnage et à ce titre l’option d’une liberté totale de personnalisation du personnage en fonction des compétences débloquées, tel un couteau suisse pouvant à tout moment fournir l’outil adapté était le meilleur choix à faire et n’enlève rien à la complexité du développement du personnage, au contraire. Expérimenter les différents pouvoir et la synergie pouvant se développer entre eux, ainsi qu’avec les différents objets qu’on peut trouver est un sérieux défi, et la combinaison optimale dépendra beaucoup du joueur et de son style.

C’est pourtant dans la recherche de cet équilibre que ce bel édifice se fissure un peu. Parallèlement au développement de son personnage et des incessants carnages, l’un des intérêts de la série a toujours été de collectionner les objets rares adaptés à son personnage. Ceux-ci a toujours été attribué de manière aléatoire en fonction de la puissance du monstre défait.

Pourtant, dans Diablo 3, le caractère aléatoire de l’équipement est tel, que l’équipement trouvé sera au pire totalement inutile et d’une valeur dérisoire, ou au mieux inutile à la classe de son personnage. Après quelques heures à tâtonner, à acheter et revendre aux personnages du jeu de l’équipement très moyen trouvé, on se rabat sur l' »auction house », le système de vente aux enchères en ligne, totalement intégré au jeu. Là, surprise ! L’équipement le plus épique est disponible à la vente à un prix modique par les autres joueurs. Du coup, les vendeurs en jeu deviennent inutiles et l’intérêt de la collection des objets en jeu retombe comme un soufflet. On ne ramasse plus les objets standards, on ne prend que les objets rares, et encore, et seuls les objets exceptionnels seront à examiner pour soi ou pour revendre aux enchères. Bref, l’argent ramassé en jeu suffit grandement à s’équiper d’objets rares et puissants, dans la mesure où il suffit de faire un tour à l’hôtel des ventes pour trouver le meilleur équipement. Je ne mentionnerai pas ici certaines méthodes permettant de gagner 10.000 pièces d’or en quelques minutes sur l’hôtel des ventes, jetant aux orties l’ensemble de l’édifice visant à accrocher le joueur par la collecte des objets en jeu. Peut-être Blizzard a-t-il sacrifié leur jeu sur l’autel de la rentabilité en vendant le jeu et parallèlement proposer non seulement des ventes aux enchères en pièces d’or tout comme en …Euros (moyennant bien entendu une commission de 15 %).

Au niveau du scénario, par contre, bonne surprise. Si le jeu reprend la suite, 20 ans après, avec une météorite s’écrasant sur la cathédrale de Tristram et le retour des démons cherchant à détruire le monde, celui-ci sera bien développé, avec nombre de scènes expliquant l’implication de chacun des personnages que vous pouvez jouer dans le scénario global, ainsi que nombre de livres disséminés, expliquant de manière narrative l’expérience des principaux protagonistes de l’histoire. Bref, on suit l’histoire tout en jouant, sans devoir s’arrêter pendant son exploration. C’est agréable, intéressant, bien léché, même si le scénario reste assez simpliste dans l’ensemble.

Il faut l’avouer, l’expérience est plaisante. On se défoule en semant la mort au coeur des engeances démoniaques pendant les 3 premiers chapitres du jeu, pourtant au bout d’une grosse dizaine d’heures de jeu, c’est une nouvelle surprise… On enclenche le 4ème chapitre du jeu et une heure plus tard c’est le combat final. Vous avez bien compris, le scénario principal du jeu se finit en 15 heures de jeu, ce qui est particulièrement court et frustrant eu égard à la nature du jeu et au prix auquel il est vendu. Vous avez alors la possibilité de recommencer le jeu dans un mode plus difficile avec votre personnage environ de niveau 30, ou de recommencer avec une autre classe de personnage et de revoir la même histoire vécue par une autre classe de personnage. La durée de l’histoire est si faible, que pour voir l’ensemble des pouvoirs de votre personnage et de sa progression jusqu’au niveau maximum, il sera nécessaire de finir le jeu 3 fois. Il est particulièrement surprenant que ce jeu ne propose pas de campagne assez longue pour faire progresser son personnage jusqu’à son terme. Le caractère aléatoire des labyrinthes et des endroits ne suffit malheureusement pas à combler un scénario vraiment trop court. Alors soit, le jeu est terriblement addictif, les combats sont jubilatoires et nerveux, mais recommencer une histoire plusieurs fois reste tout de même globalement assez  gavant. On s’attend à voir poindre une extension, mais avec un titre commercialisé au prix fort, la pilule a du mal à passer.

En restant dans les points qui fâchent, tout a visiblement été pensé avec une jouabilité en ligne dans la tête des développeurs. Entre l’hôtel des ventes et l’obligation d’avoir un compte battle.net actif, il n’y a aucune possibilité de jouer seul sans avoir de connexion active. Blizzard s’est d’ailleurs attiré les foudres des joueurs au lancement qu’on pourrait qualifier de foireux et de gros problèmes de serveurs qui rendait le jeu tout bonnement impossible à lancer.

Sur le fonds, on peut pourtant comprendre par certains égards la décision du jeu purement en ligne, le jeu permettant à tout moment de recruter un ami pour participer à son scénario. Il suffit pour cela d’inviter un ami présent dans le jeu pour qu’il se trouve téléporté à vos côtés et qu’il puisse se joindre à vous dans votre aventure. C’est simple, particulièrement bien fait, les ennemis sont immédiatement rééquilibrés en fonction du niveau du joueur et le plaisir est immédiat.

Pourtant, si la composante multijoueur fait partie de l’expérience, l’absence totale d’option purement solo ne peut s’expliquer que pour une mauvaise raison : la protection contre la copie. Diablo, par sa jouabilité simple et son plaisir immédiat est tout à fait le jeu adapté pour un joueur nomade, ayant quelques minutes de jeu sur son ordinateur portable. Rendre une connexion Internet obligatoire va rendre impossible ce type d’utilisation.

Ces derniers éléments négatifs sont regrettables, d’autant plus que le jeu est une franche réussite au niveau de la gestion des personnages, de sa jouabilité parfaitement maîtrisée, et de sa finition exemplaire. Sans réinventer la poudre, Blizzard a su reproduire avec panache ce qui faisait de son opus précédent un jeu culte encore joué de longues années après sa sortie. Les combats, qui sont le coeur du jeu sont nerveux et dynamiques, la sensation de puissance est constante au coeur de carnages sanglants, et cela dans un environnement sonore sans faille. En un mot : jouissifs.

On en garde d’autant plus un petit arrière-goût amer au vu de la courte durée de la campagne, de la connexion permanente et de l’hôtel des ventes, sans doute très lucratif pour l’éditeur, mais venant rompre quelque part l’équilibre fragile du jeu.

 

Diablo 3 / Blizzard / 2012

Notes

Graphismes / sons : 4/5

Interface de combat : 4/5 (hack’n slash)

Scénario : 3/5

Jouabilité (Fun) : 4/5