Fable III

Dernière réalisation du réalisateur visionnaire mégalomane Peter Molyneux, Fable III a suivi le cursus du premier opus et est tout d’abord sorti sur Xbox360, puis a fait l’objet de l’adaptation PC 7 mois plus tard. Les connaisseurs du jeu vidéo savent que le second opus n’a pas été adapté sur PC, et que nous sautons directement sur le 3ème opus.

Le premier opus était une sorte de mélange de jeu de rôle, d’action et de tamagoshi, avec personnalisation très poussée de votre avatar. Ce nouvel opus reprend cette étrange alchimie et essaye de la porter plus loin, dans un monde plus sombre. Le royaume d’Albion est entré dans l’ère pré-industrielle, et vous incarnez le frère devenu gênant du tyran sadique dirigeant le royaume. Il vous faudra vous enfuir, allier des partisans afin de finalement renverser le tyran et prendre contrôle du pouvoir. Si cette orientation scénaristique et du monde est résolument plus adulte, ce n’est malheureusement pas le cas pour ce qui est de la réalisation et de la jouabilité.

Graphiquement le jeu a mal évolué. Si le premier opus était tout à fait agréable à regarder malgré certains cotés mangas discutables, Fable III est visuellement très irrégulier. D’un coté on a droit à des décors assez agréables même si techniquement dépassés, d’un autre coté on a droit à des personnages mal modélisés, avec des choix de design complètement aberrants. Petit exemple, le personnage reçoit un médaillon, qui, lorsqu’il le sort de sa poche et le montre à un des protagonistes, prend la taille du tiers du corps du personnage. Pareillement, des énormes coffres de matériel seront disséminés à travers le pays. Bizarre. On se croirait dans un jeu de console portable pour enfant de 3 ans.

A la limite, si ce choix malheureux de design graphique est gênant pour l’immersion, le pire reste encore les choix de design quant à la jouabilité. A ce niveau, une fois de plus, Fable III souffle le chaud et le froid. D’un coté on vous décrit un monde impitoyable, avec un scénario bien mature, un monde corrompu à l’industrialisation galopante où la population est oppressée par une classe dirigeante, et d’un autre coté au niveau des quêtes proprement dites on sombre dans une niaiserie et un  ridicule total, avec des missions les plus inintéressantes les unes que les autres. Fable III essayera de mêler un comique potache avec des sujets qui se veulent graves, le tout retombant immanquablement à plat. On appréciera pourtant la séquence d’introduction, mettant en scène la révolte d’un poulet de basse cour et la voix off commentant ses pérégrinations tout en nuances et doubles sens, mais lorsqu’il s’agit de prendre les commandes, cela se passe beaucoup moins bien. Imaginez-vous une quête où déguisé en coq, vous devez retrouver 10 poulets égarés dans la ville en battant des ailes pour les attirer et les ramener dans leur enclos. Ca amuse 5 minutes, puis au bout du 3ème poulet, vous n’avez plus qu’à maudire les programmeurs de vous faire arpenter les rues à la recherche du poulet perdu. Je passerai sur les commentaires débiles des enfants jouant dans la rue, se demandant si l’un ou l’autre est « hardcore gamer » ou « casual gamer », ou encore les trois mages vous envoyant combattre des sortes de dominos dans un jeu de plateau débile.

Au niveau des relations avec les personnages, on reprend ce qui avait été fait dans Fable, le premier du nom et on recommence ad nauseum, avec en plus la quasi obligation de passer par ces étapes afin de gagner les sceaux de guildes qui vous permettront de progresser dans le jeu et d’allier les villageois à votre petite révolution. Ici c’est pire que jamais. Pas de dialogues fouillés, rien que des expressions gestuelles vous permettant d’être « gentil » ou « méchant ». Une véritable catastrophe s’adressant à des demeurés.

Vous vous adressez à un commerçant et vous voulez une réduction ? Pas de problème, soyez gentils : vous aurez l’option « danser », « siffler », ou encore, summum, lui rouler une pelle avant de négocier le prix (je devrais essayer ça la prochaine fois que je passe à la Fnac). Vous voulez être « méchant » avec quelqu’un, pas de souci, vous vous retournez et avez le droit de lui péter à la figure. Fantastique, si je n’avais pas envie de pleurer, je rirais en voyant autant de stupidité.

Niveau progression de votre personnage, ce seront les sceaux de guildes que vous obtiendrez soit en accomplissant les quêtes ou en effectuant les gestuelles sociales qui vous permettront de progresser, chaque village nécessitant un certain nombre de sceaux pour s’allier à vous. A noter aussi que vous pouvez vous mettre à dos tout un village en leur pétant à la figure, pour ensuite devenir le grand héros que tout le monde ovationnera dès lors que vous aurez accumulé assez de sceaux. Sans commentaires. A la fin de chaque village conquis, vous n’aurez aucun choix, il vous faudra faire une promesse pour le jour où vous accéderez au pouvoir. Promesse que vous tiendrez ou non ce jour-là.

Ces fameux sceaux de guildes vous permettront de parcourir une sorte de sentier magique, qui matérialisera votre progression. Chaque ville libérée ouvrira un des portails menant vers une forteresse symbolisant la royauté. Ce sentier sera parsemé de coffres dont le contenu permettra d’accéder à des compétences d’amélioration de votre personnage. La symbolique est sympathique, la progression l’est moins, il s’agit purement et simplement d’une montée en puissance de vos compétences de base, et non d’une diversification, mis à part peut être de la magie.

Au niveau des combats on est dans le principe jeu d’action pur et dur. Un clic de souris pour attaquer, un clic long pour mettre de la force dans votre coup. Ce qui reste sympa, c’est de pouvoir passer d’une arme à l’autre (épée-fusil-magie). Par contre n’espérez pas choisir d’utiliser tel ou tel sort en fonction des situations. Vous choisissez dans votre repère un gantelet magique sur la base des élémentaires (feu, froid, air, …) éventuellement vous pouvez en prendre deux, histoire de mélanger les deux effets, puis vous partez à l’aventure, avec cet équipement. Quel que soit le combat, vous pouvez faire une attaque directe, ou une attaque de zone, c’est tout. Bref, tout ça est réduit à sa plus simple expression : clic clic clic… C’est des combats rapides, rythmés, avec quelques effets sympathiques de ralentis lors des coups critiques, mais malheureusement réduits à la portion congrue niveau tactique.

Autre idée originale mais qui nuit encore au réalisme, à tout moment vous pouvez vous téléporter vers votre antre, où vous pourrez changer d’arme, de costume, ou encore voyager instantanément d’une région à l’autre. Bref, Fable III n’est pas fastidieux à ce niveau. Vous pouvez vous plonger directement au coeur de l’action sans temps mort, et sans prise de tête.

Aux deux tiers du jeu, le joueur prend le pouvoir et se retrouve à gérer le royaume. Ici, il aura le choix de tenir ou non les promesses faites, d’autant plus qu’une menace arrive sur le royaume d’Albion, nécessitant des alliés puissants. Il s’agira alors de faire les choix contentant le peuple ou de répondre à d’autres impératifs. Le travail des enfants, ce serait bien de l’interdire, mais faut-il affaiblir l’industrie ?

Si cette seconde partie semble bien plus intéressante, elle reste gâchée par les deux premiers tiers du jeu, ainsi que par sa jouabilité d’ensemble. Fable III est un titre avec le cul entre deux chaises :

– Il n’arrive pas à passionner par ses thèmes sérieux, il n’arrive pas non plus à amuser avec son humour potache.

– Il ne parvient pas à nous intéresser par l’évolution de son personnage, ni par son système de combat.

– Fable III ne sait pas s’il doit s’adresser à un public mature de par son monde et son histoire de fond, ou s’il doit s’adresser à des enfant de 10 ans de par ses mimiques et ses quêtes.

Bref, un tas de bonnes idées qui finissent par tomber à plat pour un jeu qui ne parvient pas à trouver son style. On pouvait trouver le premier Fable relativement sympathique, mais de l’eau a coulé sous les ponts depuis, et les choix de design malheureux du premier opus ont été repris et telle une piquette se transformant en vinaigre avec l’âge, Fable en devient imbuvable, dommage.
Peter Molyneux ferait mieux de retourner à ses « god games », qu’il savait si bien faire.

 

Fable III / Lionhead / 2011

Notes

Graphismes / Sons : 2/5

Interface de combat : 1/5

Scénario : 2/5

Jouabilité / fun : 1/5