Arcania – Gothic 4

Les deux premiers épisodes de Gothic furent en leur temps une excellente surprise. Piranha Bytes avait créé un jeu que de nombreuses personnes définissaient comme « ce qu’Ultima 9 aurait du être », tout en proposant une certaine originalité. On avait droit à un titre avec un monde très ouvert, offrant une grande liberté au joueur, avec des trames scénaristiques souvent non linéaires dont la complexité n’était pas sans rappeler Ultima.
A coté de cela Gothic offrait un monde dur et impitoyable, où la survie passait souvent par la subtilité ou la fuite (qui ne se rappelle pas de sa première incursion furtive en territoire orc pour rallier la forteresse assiégée).

Après un Gothic 3 en demi-teinte par des décisions de « game design » malheureuses, Piranha Bytes a rompu avec l’éditeur Jowood, perdant par là même leurs droits dans la série. Ceux-ci se sont alors attelés à une nouvelle série, Risen, dont la nature et les principes ne sont pas sans rappeler celle de Gothic… à un tel point qu’il leur a été parfois reproché de se plagier eux-mêmes.

C’est donc à Spellbound, petit studio germanique qu’a été confiée la lourde tâche de reprendre le flambeau de cette licence à succès.

Tout d’abord intitulé Arcania : A Gothic Tale, leur jeu a finalement été renommé en Arcania : Gothic 4, visiblement afin de faire le lien avec la série à succès. Soyons clairs, cette décision de rattacher ce nouveau jeu à la série Gothic a sans doute été la plus grosse erreur psychologique faite par Jowood, ce qui a indirectement généré nombre de critiques défavorables à ce jeu sur Internet.

Arcania est exactement l’antithèse de ce qui définit la série Gothic.

De tous les mots qui définiraient Gothic, je choisirais : liberté, difficile, impitoyable, sans concession, complexe, adulte, long, en un mot, hardcore.
Pour Arcania ce serait : linéaire, facile, gentillet, court (20h.), simplifié et pour débutant.

Vous l’aurez compris, Arcania n’a de Gothic que le nom et est avant tout destiné aux aventuriers débutants souhaitant s’essayer au style du jeu de rôle sans trop se casser la tête.

Arcania vous met dans la peau d’un berger cherchant à se venger de la mort de sa dulcinée et de son village, massacré par les troupes royales. S’en suit une progression scénaristique visant à se façonner une arme, puis de débarrasser le roi de la possession dont il  est victime. Le monde est fidèle à la série et le joueur retrouve les protagonistes des épisodes précédents, mais le tout est assez gentillet. Au niveau du scénario on reste assez loin de certaines factions aux pratiques malsaines des premiers opus.

L’exploration du monde se fait région après région, dans un ordre bien déterminé. Il est très difficile en tant que game-designer d’amener le joueur à faire les quêtes dans un certain ordre afin de contrôler la difficulté du jeu et sa durée. Spellbound a résolu le problème en imposant totalement l’ordre des lieux visités. Ce raisonnement sera encore amplifié par la configuration des lieux à l’intérieur même des zones à visiter. A titre d’exemple, le jeu comporte quelques cavernes circulaires, Spellbound s’est débrouillé afin que le joueur explore l’ensemble de la caverne avant de revenir au départ, ou plutôt 5 m au dessus, à un endroit où se trouvait l’objet à récupérer comme par hasard trop haut pour être atteint en y entrant. Je vous fait grâce également des portes, qui s’ouvriront au fur et à mesure de l’avancement du scénario. On se sent cloisonné, et ce n’est pas qu’une impression.

Concernant les dialogues, pas de surprise non plus. Vos interlocuteurs vous dévoilent petit à petit l’histoire, avec des objectifs simples (récupérer un objet d’un personnage A, qui va vous demander de demander quelque chose d’autre au personnage B, qui lui-même va vous demander de régler son problème pour vous aider). Bref, c’est du grand classique, parfois fastidieux, et sans grande originalité pour les vétérans du jeu de rôle. A coté de cela n’imaginez pas pouvoir accomplir des missions pour l’une ou l’autre faction rivales du jeu. Il n’y en a pas. Le joueur suit gentiment le scénario et se laisse porter par l’histoire, docilement.

Enfin, concernant le personnage et sa progression, ici aussi simplification à l’extrême. Quelques compétences se battent en duel, que le joueur pourra faire progresser au fur et à mesure de l’avancée des niveaux. Que ce soit les épées, arcs, furtivité ou les trois types de magie donnant accès à …trois sorts, le joueur aura vite fait le tour sans trop se poser de question.

D’un autre coté, le jeu offre également la possibilité de créer ses potions, ou encore certains objets d’artisanat. Encore une fois, l’artisanat a été simplifié à sa plus simple expression. Si les feux de camps, les ateliers d’alchimie ou les forges sont disséminées dans le jeu et peuvent être actionnées pour le fun, celles-ci ne serviront à rien. Il est en effet possible de créer une armure, une potion, ou de faire griller un morceau de viande à tout moment. Curieux choix de design…

Tout n’est pourtant pas négatif dans Arcania. Tout d’abord le système de combat. On est loin du système calamiteux de Gothic 3. Les combats, pour du temps réel sont assez intéressants, les coups peuvent être portés à certains moments pour avoir le meilleur impact, on peut utiliser des coups plus puissants demandant un temps de recharge, et à la fois le système d’archerie est très bien réalisé, tout comme la parade ou la magie.

Bref, et c’est à souligner, Spellbound a bien réalisé son système de jeu, et celui-ci est intéressant. On est loin du cliquage frénétique et sans cervelle du précédent opus.

Par ailleurs, il faut aussi dire qu’Arcania est franchement joli. Les décors offrent un certain nombre d’environnements dont certains sont vraiment de toute beauté. On décernera une mention spéciale aux marais, avec son arbre gigantesque, et à la savane. Mention également sur les effets météorologiques (même s’il pleut souvent dans ce fichu Pays). Par contre, le manque de variété de modélisation des personnages rencontrés est ennuyeux. On dirait que Spellbound a créer une bibliothèque de 20 personnes et autant de monstres, et qu’ils vous les servent et resservent jusqu’à la nausée. C’est gênant pour les personnages, et peu stimulant pour les combats, par manque de variété dans les stratégies.

Alors Arcania doit-il être classé dans les titres à éviter ? Rien n’est moins sûr. En fait, tout dépend de vos attentes, et du point de vue duquel on se place.

Si vous êtes un rôliste chevronné accroché à la série Gothic, à son gameplay impitoyable et sa difficulté, vous risquez d’être fort déçu par son manque de profondeur, son manque de complexité et sa linéarité.

Par contre, si vous êtes jeune joueur, ou si vous voulez vous essayer au jeu de rôle, sans risquer d’être dégoûté par la difficulté et la complexité du genre, Arcania est une bonne introduction. Paradoxalement ce titre a quelques défauts qu’on pourrait qualifier de jeunesse, tels que la linéarité trop présente, ou le petit nombre de modèles, mais il reste néanmoins un titre sympathique. Souvent certains joueurs se cantonnent aux hack’n slash ou aux jeux d’action, et Arcania sera à même de leur proposer une expérience plus fournie, avec un scénario, quelques compétences, un peu d’artisanat, des combats sympathiques, tout ça dans un joli décors.

Pour conclure, je vais insister sur l’importance de la licence utilisée et de la communication faite autour d’un jeu. Quelque part, en choisissant d’intituler le jeu « Gothic 4« , Jowood a involontairement trompé les attentes des vétérans de la série Gothic,  et les mauvaises critiques ont surtout été générées par l’idée que se faisait les journalistes du jeu avant de l’avoir en main. En fait ce jeu aurait eu un accueil bien plus chaleureux par les critiques s’il avait visé un public de néophytes ou de joueurs « casual » voulant s’essayer à ce style de jeux.

Arcania : Gothic 4 est un bon petit jeu de rôle « light » qu’on peut franchement apprécier à condition de faire abstraction de ses attentes quant à son titre et sa lignée. Vous l’aurez compris, en aucun cas il n’aurait du être présenté comme le successeur de la série, n’ayant rien à voir avec celle-ci.

 

Arcania : Gothic 4 / Spellbound / Jowood / 2010

Notes

Graphismes / musiques : 4/5
(avec un bémol : la faiblesse de la gestion des bruitages)

Interface de combat : 4/5
(pour du temps réel, c’est du bon)

Scénario : 3/5
(totalement linéaire, bien construit)

Jouabilité (fun) : 4/5 (Pour joueurs débutants)
…et 2/5 pour rôlistes confirmés attendant la suite de Gothic.