Alpha Protocol

Annoncé depuis quelques temps déjà, Alpha Protocol, développé par Obsidian pour Sega, avait été repoussé plusieurs fois en raison notamment d’un gameplay « trop action », alors que le jeu était destiné avant tout à un public de rôlistes, étant défini comme « The Espionnage RPG ».

Alors que dire de la version définitive du jeu ? Avant tout, et sans s’étendre, il faut préciser qu’Alpha Protocol est avant tout un jeu de tir et d’infiltration, avec des mécanismes de jeu tirés du jeu de rôle. Il s’agit d’effectuer des missions successives, en utilisant armes et gadgets, ainsi que les compétences de votre personnage. Les similarités avec la jouabilité de Mass Effect est évidente, avec une succession de briefings, puis de missions sans aucun sens de liberté pourtant propre aux jeux de rôles, mais cependant avec un coté innovateur, ou plutôt expérimental, dont je parlerai plus loin.

Graphiquement, le jeu est en vue 3D avec une caméra suivant votre personnage. Les décors ne sont pas totalement dépouillés d’attraits, et les graphistes ont fait leur travail… sans plus. Ce n’est ni laid, ni beau, mais plutôt quelconque, un peu similaire à ce qu’on pouvait voir dans les jeux 3D d’il y a quelques années. Les choses se corsent lorsqu’on voit son personnage se déplacer furtivement, avec une démarche quelque peu ridicule. Les animations de combats sont vaguement meilleurs, mais globalement ce n’est pas avec les graphismes, ni d’ailleurs avec les musiques, qu’Alpha Protocol saura séduire les foules. Plus gênant est également l’utilisation de la caméra, qui, si elle remplit en général sa fonction correctement, fait également parfois n’importe quoi lorsque vous choisissez de vous cacher derrière un angle de mur ou derrière une caisse. La difficulté des combats se trouve alors artificiellement augmentée, mais pas pour les bonnes raisons, ce qui me conduit à vous parler de la…

…jouabilité !

Ça se voit, Alpha Protocol a été développé en même temps sur console et non seulement nous avons droit à un portage PC bâclé mais en plus une interface branlante, tout droit sortie des contrôles de joystick consolesque, et bien entendu des points de sauvegardes fixes. Vous voulez changer d’équipement ? Bienvenue aux menus et sous-menus, avec validations et sortie de menus totalement inadéquats à l’utilisation de la souris, tel un jeu console bas de gamme. Vous voulez vous déplacer sur la carte ? Inutile espérer cliquer quelque part pour déplacer votre carte avec votre curseur. Il faudra se servir des touches de déplacement du clavier.  Les déplacements sont trop rapides sur PC ? On va ralentir la souris… On a même droit à des mini-jeux, et je ne citerai que l’aberration la plus totale : le mini-jeu de piratage de terminal. Dans ce cas, il faut trouver les deux séries de chiffres affichées sur un écran où des chiffres défilent. Une fois avoir repéré lesdites séries, vous croyez pouvoir les cliquer ? Non, trop simple. Il faudra amener la première série de chiffres avec les touches du clavier afin de les superposer, mais il vous faudra également réussir à superposer la seconde série en déplaçant la souris. Et au vu du mauvais réglage de la sensibilité de celle-ci dans le jeu, réussir à cliquer au bon endroit dans le temps imparti est une véritable gageure.

Enfin bref, après avoir évoqué le pire dans ce jeu, on va parler un peu de ce qui le définit et en fait toutefois un jeu de rôle avec certains attraits. Contrairement à Mass Effect 2 ou à d’autres jeux de rôles-action, ce n’est pas simplement votre dextérité qui déterminera l’issue des combats. Alpha Protocol gère des compétences, avec l’utilisation de quatre types d’armes (pistolet, mitrailleuse, fusil d’assaut et fusil à pompe). Votre personnage pourra se spécialiser dans ces armes, mais aussi dans des capacités d’infiltration, de combat à mains nues. La montée de niveau permettra l’amélioration des compétences relatives à ces méthodes de combats donneront accès à une visée plus précise, mais aussi à des sortes de « combo » activable brièvement (genre ralentir le temps pour viser plusieurs ennemis, ou encore des tirs critiques plus fréquents, ou des dégâts augmentés). D’autres compétences sont relatives à la discrétion et la furtivité. Il est possible, pour un personnage furtif, de devenir littéralement invisible, en fonction de son niveau de compétences dépensés dans cette habilité. Se déplacer totalement à découvert, en se basant uniquement sur le niveau de compétence, sans se soucier des cadavres disséminés sur le chemin des gardes, ce sont les mécanismes du jeu de rôle poussés à l’absurde, même si ça reste quelque part assez plaisant.

Il faut d’ailleurs souligner que le caractère furtif des combats est assez encouragé, et en tout bon agent secret, la discrétion est de mise. Il faut éviter de déclencher les alarmes (ou les désactiver le cas échéant), puis aller directement à son objectif. Ce dernier point pourtant n’est pas assez équilibré. Nombre de missions encouragent la furtivité jusqu’à un boss final (hé oui, on est dans un jeu orienté console, rappelez-vous), et arrivé au bout de la mission, le dernier combat se finit par un bain de sang bien bourrin, sans l’ombre d’une chance pour le personnage dont les compétences de discrétion et de corps à corps ont été soigneusement développés au détriment d’autres, bien moins subtiles.

C’est surtout au niveau des dialogues qu’Obsidian a souhaité mettre l’accent. Le joueur aura la possibilité de réagir en temps réel aux dialogues par un type de réponse: suave, professionnel ou encore agressif. Ce choix étant chronométré, les dialogues seront plus vivants, mais il sera malheureusement difficile de prévoir quelle sera la conséquence d’un choix. En effet, si le jeu vous a informé au préalable qu’une personne réagirait bien ou mal à certaines informations, rien ne vous laisse supposer que d’opter pour la réponse agressive, suave ou autre mènera votre personnage à utiliser l’information que vous avez eu au préalable. Encore une bonne idée qui finit dans le décors.

Et pourtant Obsidian a travaillé sur son jeu. Il est à la fois très riche dans son scénario, qui non seulement est passionnant et complexe, mais aussi nous dépeint des Pays réalistes et des personnages où tout le monde défend ses intérêts, où le monde n’est ni blanc, ni noir. Il faut noter quelques personnages d’anthologie, telle que celle d’un mafieux russe, fan des USA des années 80. Bref, du très bon de ce coté là.

Autre point fort, les informations. Le plus souvent récoltées via informatique par le biais de dossiers, celles-ci sont des mines d’informations, et peuvent changer le cours des missions, en fonction des informations récoltées.  Un dossier vous apprenant que la personne protégée demande un certain comportement à ses gardes, et vous pourrez contourner le problème en choisissant la bonne option de dialogue.

Les objets et l’inventaire, malgré l’interface abominable ont été biens pensés. Au lieu de se retrouver avec une multitude d’armes, ce sont dans les accessoires que vous pouvez adapter vos armes et armures à vous goûts. Ici pas d’arme « ultime », seulement une personnalisation complète, en fonction des accessoires et de vos besoins. Un silencieux vous permettra d’abattre vos ennemis sans alerter personne, mais au prix d’une diminution des dégâts. Un chargeur bricolé contiendra plus de munitions, au prix d’une diminution de la stabilité de l’arme. De même les protections auront chacune leurs avantages ou inconvénients, que ce soit au niveau de la discrétion, de la résistance aux tirs, ou des améliorations pour les combats rapprochés. Bref, c’est du très bon.

Enfin, dernier point et non des moindres, Obsidian a réussi à proposer des choix, et encore des choix, ainsi que des conséquences. Vous pouvez aider des protagonistes, les tuer, sans bloquer ou obérer votre capacité à mener à bien vos missions par la suite. Les choix que vous faites dans le jeu vont déterminer un peu quelle sera le déroulement de vos missions, déterminera qui vous aidera, qui vous mettra des bâtons dans les roues, mais sans jamais vous limiter à un choix. Alliez vous avec une faction, l’autre viendra jouer les troubles-fêtes, soyez magnanime avec un trafiquant d’armes, vous aurez la possibilité d’en acheter un éventail plus grand. Soyez subtils, vous éviterez certains combats et obtiendrez des avantages pour les missions suivantes. Le nombre de possibilités du déroulement du scénario est à donner le vertige et donneront une grande rejouabilité à ce titre.

Ces derniers points forts suffiront-ils à compenser les fortes lacunes d’un titre dont les mécanismes principaux sont viciés ? Rien n’est moins sûr.

Alpha Protocol est avant tout un jeu dont le système et l’interface de combat de combat sont mauvais. Les mécanismes du jeu, basés sur les compétences sont pourtant intéressants, mais ils sont mal exploités,et implémentés de manière catastrophique. Ce jeu aurait presque le potentiel de devenir un jeu mythique, éventuellement suivi d’une multitude de « fan patchs », mais cela me semble peu probable, au vu de ses défauts trop profondément incrustés dans un système de jeu et une interface défaillante. Rares seront les joueurs qui réussiront à dépasser la frustration et l’énervement engendrés par les gros défauts du titre afin d’apprécier ses qualités.

 

Alpha Protocol / Sega / 2010

Notes

Graphisme & Sons : 2/5 (graphisme)

Interface de combat : 2/5

Scénario : 4/5

Jouabilité (fun) : 2/5