Mass Effect

Un nouveau titre Bioware c’est toujours un évènement… Il faut dire que même si le développeur s’est parfois éloigné des aspects les plus hardcore du CRPG, il reste malgré tout une sommité parmi les développeurs de RPG. Et quand Bioware marque son retour à la SF, 4 ans après l’excellent Knights of the Old Republic – et une incartade en Chine antique avec un Jade Empire non moins réussi – pour le premier volet d’une trilogie spatiale qu’on nous annonce épique – inutile de dire qu’on en frétille d’impatience. Arrivant sur PC six mois après sa sortie sur X-Box 360, à la tête d’une réputation solide, ce Mass Effect sera-t-il à la hauteur des attentes ?

Mass Effect : les décorsLa première chose qui frappe quand on débute Mass Effect – c’est tout simplement ces qualités graphiques. Faisant appel au réputé Unreal Engine 3, Bioware nous offre tout simplement un titre de toute beauté.

La deuxième chose, c’est à quel point le titre rappel Knights of the Old Republic. Bien sûr l’univers nous emmène bien loin de la galaxie Star Wars, mais on reconnait l’esthétique de Bioware et le tout dégage un certain élément de familiarité, tant au niveau de l’identité visuelle que des phases de jeux.

Mais le soin esthétique est poussé à un point sans doute jamais vu dans un CRPG. En jeu Mass Effect évoquera surtout un KOTOR en plus joli – les décors sont parfois sublimes, la modélisation des personnages laisse sans voix, et les effets visuels (comme les effets de flou, ou le grain prononcé de l’image) offre un rendu unique. Mais c’est surtout au niveau des discussions et des cinématiques que Mass Effect fout une sacrée claque…

En effet si les dialogues restent dans le principe assez proche des précédents titres, ils présentent un dynamisme largement accrue. La mise en scène des discussions est très soignée (et plus encore dans les scènes capitales où elles deviennent de vrais cinématiques), mais surtout les personnages offre une expressivité absolument époustouflante avec une très large gamme d’émotion, que ce soit l’humour, la joie, la tristesse… Cela accroit plus encore l’implication dans les dialogues, et on est presque bluffé devant chaque conversation. En plus de ça la possibilité de sélectionner sa réponse avant la fin de la phrase de son interlocuteur permet un enchainement immédiat, évitant les pauses usuelles de ce genre de dialogues, et rendant ainsi les discussions plus vivantes et plus réelles.

Mass Effect : les décoursSur ce plan Mass Effect se démarque un peu des précédents titres de Bioware, puisqu’il délaisse la forme ‘QCM’ des dialogues. En lieu et place nous avons une ‘roue de dialogues’ où sont simplement résumés les sujets de discussion, ou le ton général de la réponse du personnage. Chaque réponse est d’ailleurs classée selon un style –une réponse en haut de la roue sera ainsi conciliante, une au milieu sera neutre, et une en bas sera plutôt impulsive. En plus de cela une réponse charmeuse ou intimidante pourra aussi être débloquée dans certains dialogues selon les capacités du joueur dans la compétence associée. Si dans le fond tout ça ne diffère guère des QCM habituels, dans la forme cela permet un plus grand dynamisme des dialogues, et on apprécie grandement cette nouvelle approche.

Mais cette approche est aussi intéressante car elle évite le manichéisme si présent dans les précédents titres de Bioware. Il faut dire qu’il n’y a pas de chemin ‘mauvais’ dans Mass Effect – dans les deux cas le but reste le même : sauver la galaxie – mais les réponses choisies guideront la méthode, et mèneront ainsi votre personnage sur la voix du Parangon, ou du Renégat. Si on pourrait à première vue être tenté de vouloir résumer le Parangon au bien, et le Renégat au mal – on se rend bien vite compte que le tout est bien plus subtil que ça – d’ailleurs au contraire de KOTOR et de Jade Empire, les deux barres ne s’annulent pas l’une et l’autre et on peut très clairement avoir un personnage évoluant sur les deux voix. Le tout permet ainsi d’offrir une réelle ambigüité morale au fil de l’aventure et si les choix n’influent pas réellement sur les grandes lignes de l’histoire – ils présentent bien souvent une vraie réflexion. Ainsi un choix Renégat peut très bien être un choix moralement acceptable, alors qu’un choix Parangon pourrait en l’état paraître très discutable même s’il peut y avoir de bonnes intentions derrière. On se retrouve donc avec des choix différents – pas foncièrement bon ni mauvais, qui sans changer l’histoire globale, influent clairement sur l’expérience de jeu et son ressenti.

Et le moins que l’on puisse dire c’est que sur le plan de l’histoire, Mass Effect est réellement de haute tenue. C’est du grand Bioware tout simplement : passionnant de bout en bout, avec des personnages attachants, une histoire épique et un univers gigantesque. La cerise sur le gâteau vient de la présence d’un véritable et gigantesque ‘Codex Galactique’ contenant des informations très complètes sur l’univers, leurs peuples, leurs planètes, leurs cultures, leurs technologies… On n’avait jamais vu ça avant depuis la série des XenoSaga sur PS2, c’est dire ! Et si le scénario offre certes des similitudes avec KOTOR au début, il s’en démarque heureusement au fil de l’histoire. L’univers parvient aussi à offrir une certaine originalité – car si on se retrouve devant un univers de SF somme toute classique avec de multiple races, à l’opposé d’un Star Trek les humains n’y représentent qu’un rôle mineur et tentent justement de prouver leur place dans la galaxie. L’histoire regorge de bonnes surprises et d’émotions fortes, les rebondissements sont un plaisir (même si certains sont un peu prévisibles) et elle évite d’être trop manichéenne.

Mass Effect : les combatsCeci dit là où Mass Effect se démarque grandement d’un KOTOR c’est bien par son système de combat. Au lieu de place du traditionnel combat en semi tour par tour avec pause, Mass Effect fait appel à un style de jeu qui s’approche de Third Person Shooter, et plus particulièrement de Gears of Wars, avec une vue visée, et la possibilité de se couvrir un peu partout avec les éléments du décor.

Néanmoins cela ne fait pas de Mass Effect un pur shoot pour autant, car à l’image d’un Deus Ex, si le jeu utilise bien un système de combat clairement orienté action, il reste néanmoins entièrement dépendant des capacités et de la classe de son personnage. Il n’y a d’ailleurs que six classes de jeux, toute présentées selon 3 styles global : le combat, les biotiques et les techniciens – et outre 3 classes pures, on retrouve ainsi 3 classes hybrides permettant de varier les possibilités. Le développement du personnage est somme toute traditionnel, avec de l’XP gagné au terme de chaque quête et chaque combat, et de point à dépenser à chaque niveau pour améliorer des compétences et débloquer de nouvelles capacités plutôt variées (comme par exemple un tir rapide ou concentré au combat, un pouvoir télékinitique et ainsi de suite…)

Car le style de jeu dépendra beaucoup des possibilités offertes par la classe choisie. En effet, si n’importe quel personnage peut équiper toute les armes du jeu… elles deviennent essentiellement inutiles s’il ne possède pas la compétence associée puisqu’il est impossible de faire une visée rapprochée, et que la plupart des tirs de toucheront pas la cible ou feront peu de dégâts. De ce fait le style de jeu pourra être assez varié selon la classe de personnage… et autant avec un Soldat il sera essentiellement possible de faire tout le jeu comme un simple TPS, utilisant les armes qu’on veut quand le on veut ; d’autres classes de personnage peuvent offrir une approche moins proche du shoot. Le biotique par exemple utilisera principalement ses pouvoir psychique et télékinétiques (comme par exemple faire voler un ennemi ou un élément du décor) tout aussi efficaces et toujours orienté combat mais dans un style différent du simple shoot. Mais cela va encore plus loin avec un technicien vu qu’on peut se contenter au contraire d’un rôle de soutien en utilisant ses capacités pour soigner ou ranimer ses compagnons, ou encore hacker les unités ennemies pour les retourner contre leur équipiers. On peut ainsi laisser ses camarades se charger de l’essentiel du combat, d’autant qu’il est possible à tout instant de poser le jeu pour donner des ordres à ses compagnons, ou utiliser ses propres habiletés

Mass Effect : gestion des combatsÉvidement ce style de combat ne plaira pas à tout le monde, mais il est en tout cas très bien conçu et avec assez de possibilités pour satisfaire les plus bourrins comme les amateurs d’action un peu plus tactique.

On notera également au passage que comme dans KOTOR, il n’est possible d’avoir que deux compagnons en même temps avec soi – on regrette un peu par contre qu’il soit impossible de les changer ‘à la volée’ et qu’ont soit obligé de repasser dans le vaisseau pour ça.

Ceci dit on appréciera aussi le soin apporté à l’interface – là où un Jade Empire trahissait ses origines consoles (voir même n’était parfaitement jouable qu’avec un Joypad en main), le portage de Mass Effect est une merveille avec une jouabilité clavier/souris parfaitement adaptée. Sur ce plan au moins, rien ne trahit ses origines consoles.

En plus de ça on trouve aussi l’utilisation d’un véhicule tout terrain appelé le Mako lors de l’exploration de planètes, autant lors de la quête principale que des missions secondaires. Bien que le maniement soit un peu délicat a maîtriser, le tout est plutôt agréable et on peut aussi combattre avec, même si dans ce cas ça se présente uniquement par un côté action.

Hélas si ce tableau peut paraître jusque là réjouissant, le gros défaut du titre vient malheureusement de tout l’aspect secondaire de l’aventure. Dans les lieux civilisés on retrouvera des quêtes traditionnelles du CRPG, généralement bien construites et écrites – on ne s’ennuiera pas. Mais malheureusement le gros de ces quêtes secondaires consistera essentiellement en missions d’explorations qui sont malheureusement au mieux « passablement moyennes ». Le concept en soit, est génial – une fois que l’on obtient le contrôle de son propre vaisseau, un univers gigantesque nous est ouvert, avec de nombreux systèmes et planètes à voir – que ce soit uniquement pour les analyser, ou pour les explorer – et ces planètes à explorer seront le fruit de bien des quêtes que l’on peut obtenir de multiples façons : via des dialogues avec des PNJs, des communications interceptées sur des planètes, ou des ordres du QG de l’Alliance terrestre.

Mass Effect : Les missions secondaires et le MakoMalheureusement c’est dans la forme que le bât blesse. Déjà tous les mondes ont tendance à se ressembler – ils ont certes une apparence visuelle plutôt variée (pouvant aller du monde vert et luxuriant, au monde gris et désertique, en passant par des planètes volcaniques ou glacées), mais il s’agit néanmoins à chaque fois de mondes désertiques et montagneux,  ce qui rend le tout rapidement monotone. Les missions se ressemblent toutes et les point d’intérêt à visiter sur les planètes ne servent à rien si ce n’est obtenir des Achievements sans intérêt sur le Windows/X-Box Live. Cet aspect exploration relativement sympathique au début deviens donc finalement très répétitif pour ne pas dire frustrant. Il y a certes quelques missions qui sont un peu scriptées, et plus intéressantes – mais même là on l’a l’impression de ne participer qu’à une ébauche de quête (se finissant qui plus est par un vague panneau textuel) comme si les développeurs n’avaient pas eu le temps des les finir, d’autant que quelques que soit les missions choisies on se retrouve toujours dans les 3 mêmes décors à peine modifiés. Bref tout se ressemble et devient lassant. Quelque part cela rappelle le premier Baldur’s Gate…. où les explorations et missions annexes étaient tout aussi ratées et au final ca se résumait bien souvent à traverser une carte de long en large en tuant tout ce qui bougeait – ce qui au final était d’un ennuie mortel d’autant que ca prenait beaucoup de temps. Et on peut dire que Mass Effect retombe dans le même travers et que Bioware n’a pas su tirer la leçon des erreurs du passée.

Et sachant que ces missions annexes doivent tout de même représenter une bonne moitié du titre, le moins que l’on puisse dire c’est que ça entache quand même pas mal l’intérêt global, d’autant que la durée de vie du jeu (au mieux 30h pour en faire le tour) est quand même assez limite pour un CRPG. On avait souvent reproché à Jade Empire sa durée de vie… mais si on ne prend que la quête principale en ligne de compte, Mass Effect doit être encore plus court quoi que son prédécesseur – et les à côté de Jade Empire avaient au moins le mérite d’être intéressants.

Ensuite si le gameplay est certes bien travaillé, il est peut être un peu trop traditionnel. Il est vrai que le côté exploration est somme toute original… mais il est raté ce qui fait qu’on a surtout envie de l’oublier. Pour le reste Bioware fait du Bioware, et ils le font bien mais au final il n’y a rien ne bien neuf sous les étoiles. Le développement de l’histoire et des personnages parait aussi un peu trop calqué sur celui de KOTOR (on fait une planète, puis on parle aux compagnons pour les développer, et ainsi de suite….) avec au final seulement trois mondes ‘civilisés’ avec quêtes et PNJs. On aurait aussi bien aimé retrouver quelque chose de similaire au système d’influence des compagnons présent dans KOTOR2 et Neverwinter Nights 2 (mais il est vrai que ce système était le fruit d’Obsdian et non de Bioware….). Bref un  peu plus de risques n’aurais pas fait de mal, même si celui ne nuit pas au plaisir pris devant la quête principale.

Mass Effect : L'inventairePour finir, la gestion de l’inventaire est assez bordélique – bien qu’elle ait pourtant était refaite pour la version PC. A l’instar de KOTOR il s’agit simplement d’une longue liste, pas vraiment classée et assez bordélique pour s’y retrouver – dommage que Bioware n’ait pas fait un effort là-dessus, même si cela reste un défaut relativement mineur.

Bilan :

Véritable successeur spirituel de l’excellent Knights of the Old Republic, Mass Effect avait à première vue tout pour s’imposer comme un nouveau classique du genre. Malheureusement si la quête principale est digne des meilleures titres de Bioware – la médiocrité globale des missions annexes entache irrémédiablement le plaisir du jeu et son intérêt – au point où l’on conseillera presque au joueur de les oublier pour se concentrer sur l’histoire principale qui bien que relativement courte offre une expérience de jeu intense et fascinante.

Si dans l’absolu Mass Effect reste un très bon titre – il faut bien admettre que ses nombreux défauts l’empêchent de se hisser au panthéon du genre et qu’on attendait bien mieux de Bioware, tant leurs précédents titres étaient bien plus solides. Ceci dit les amateurs de Knights of the Old Republic sont assurés de passer un excellent moment devant ce titre, même s’il sera hélas bien plus court que celui de son aîné.

Gageons néanmoins que Bioware saura corriger les défauts du titre lors du prochain épisode, à l’instar de Baldur’s Gate 2 en son temps.

Réalisation : 5/5
Si certains décors peuvent paraître sommaires et quelques textures un peu pauvres, la réalisation technique dans son ensemble reste tout simplement bluffante de bout en bout, accompagnée qui plus est d’une mise en scène grandiose lors des dialogues, et de PNJs dotés d’une gamme d’expressions à s’en décrocher la mâchoire. Assurément : le plus beau RPG existant à l’heure actuelle.

Combats : 4/5
A mi-chemin entre le Tactical Shooter et le TPS à la Gears of War, le système de combat ne plaira pas à tout le monde. Il est néanmoins de qualité dans son genre, avec une utilisation parfaite des capacités des personnages et de leurs classes, et des possibilités tactiques bien plus prononcées qu’on ne pourrait le croire au premier abord.

Scénario : 5/5
Si on pourrait lui reprocher un déroulement somme toute classique – le scénario de Mass Effect est une petite merveille. Doté d’un univers d’une richesse rarement atteinte dans un jeu vidéo, et d’une histoire aussi passionnante qu’intéressante – il évite les travers et le manichéisme parfois primaire des précédents titres de la firme et sait parfois se montrer original.  Une référence, tout simplement.

Jouabilité (fun) : 3/5
Voilà un jeu qu’il est difficile de noter tant le contraste parait énorme entre la quête principale est les aventures annexes.
Si à mon sens la quête principale mériterait sans hésiter un bon 4/5 tant elle est solide et passionnante,
les aventures annexes au contraire ne mériteraient pas de dépasser 2/5 en étant gentil
– on se contentera donc de faire une moyenne

Seconde opinion par Dagon: Si mon test aurait été dans sa globalité similaire à celui de Sergorn, je crois qu’il faut relativiser l’impact négatif des missions secondaires. Certes celles-ci sont un peu ternes, répétitives et n’apportent pas grand chose à l’excellent scénario principal, mais elles ne sont pas si catastrophiques que cela et restent, rappelons-le, totalement facultatives. Bref, personnellement j’en ai fait quelques unes avec plaisir, jusqu’à ce que l’histoire principale me happe totalement jusqu’à la fin du jeu. Pour moi, la jouabilité (fun) aurait droit à un 4/5 bien mérité.

 

Mass Effect / Bioware / 2008

Notes

+ Réalisation technique
+ Univers superbe et profond
+ Scénario passionnant
+ Gameplay travaillé
– Les missions annexes
– Le maniement du Mako
– Faible durée de vie.