Risen 3

Après un premier Risen qui avait convaincu les déçus de Gothic 3, et un Risen 2 en demi-teinte à la réception publique et critique plus mitigée, le studio Piranha Bytes revient avec un troisième opus… moins de deux ans après le précédent volet. Annoncé comme un retour aux sources, saura-t-il retrouver son public ?

Car en effet autant le premier Risen sous ses airs de suite « officieuse » de Gothic, avait su satisfaire les amateurs (même si on lui reprochait parfois de n’être essentiellement qu’un Gothic 1.5)… le second avait pris une approche radicalement différente, abandonnant l’univers médiéval et justement… gothique du premier épisode, au profit d’une aventure dans des iles tropicales avec un univers lorgnant plus du côté de Pirates des Caraïbes, avec ses pirates, ses trésors cachés, son vaudou et même une part belle données aux armes à feu. Cumulé à de gros problèmes de gameplay (à commencer par un système de combat catastrophique), il n’en fallu pas plus pour provoquer une nouvelle levée de bouclier envers un jeu, pas foncièrement mauvais, mais bien en deçà des attentes que pouvait susciter le premier épisode.

Un retour aux sources… ou pas vraiment ?

Risen 3, un petit air de déjà vu...

Risen 3, un petit air de déjà vu…

En effet depuis l’annonce de Risen 3, toute la communication autour du titre tourne autour du retour aux sources annoncé de la série, captures d’écran à l’appui, insistant bien sur des décors bien plus à l’image de Gothic que des aventures caribéenne du héros sans nom de la série. On pouvait donc s’attendre légitimement à un nouveau titre dans la lignée du premier Risen et des deux premiers Gothic avec un studio ayant fait marche arrière suite à la mauvaise réception du second épisode.

Mais force est de constater qu’à défaut de Gothic, la première impression du titre donne plutôt l’impression d’être de retour… dans Risen 2. Dans la peau d’un nouveau héros toujours anonyme en tenue de pirate, à la recherche d’un trésor perdu aux côté de sa sœur Patty (déjà comparse du précédent protagoniste de la série) sur une ile exotique, alors que les mers sont menacées par des pirates fantômes… On se demande presque sur le coup si on ne nous a pas menti sciemment sur la marchandise, et ce malgré le twist scénaristique concluant la région tutoriel du jeu, menant au trépas et à la résurrection du protagoniste… justifiant quelque part le titre de la série.

Une interface héritée de Risen 2...

Une interface héritée de Risen 2…

Cette impression est d’autant plus persistante qu’on se retrouve devant une reprise quasi à l’identique de l’interface et du gameplay de Risen 2. Le jeu reprend d’ailleurs son système de développement du personnage à l’identique : sans aucun niveau mais à base de point de « gloires » utilisables pour développer ses caractéristiques, qui a leur tour débloquent les compétences (néanmoins plus nombreuses que dans Risen 2) que l’on peut apprendre auprès de divers PNJs du monde.

Et alors que l’on quitte la première région, se retrouvant à la barre d’une chaloupe, paré a explorer les iles des mers du sud à la recherche d’un équipage et d’un plus gros bateau… on se dit qu’on est bel est bien devant un Risen 2-bis.

Mais bien vite, on se rend compte que les choses vont bien plus loin que ça.

Un monde ouvert… et gothique.

Un monde ouvert à explorer

Un monde ouvert à explorer

Car aussitôt le tutoriel terminé, les différences de design avec le précédent épisode frappent immédiatement. Risen 2 souffrait en effet d’une quête assez balisée, particulièrement au début de l’aventure. Cette fois-ci, Piranha Bytes a au contraire fait le pari d’un monde entièrement ouvert. Certes, à l’instar de Risen 2 nous sommes cantonnés à un certain nombre d’îles/régions qu’on rejoint en bateau, ce qui nous fait encore une fois regretter l’absence d’un voyage ouvert en navire… mais passé la première région servant de tutoriel, c’est cette fois-ci tout l’univers du jeu qui nous est offert sans la moindre linéarité. Il ne serait d’ailleurs pas mentir de dire que Risen 3 est quelque part aussi ouvert que Gothic 3, on peut aller et venir à sa guise dans les îles, entamer ou suivre les quêtes selon son bon vouloir et si ils n’ont pas totalement disparus, rares seront les lieux bloqués et inaccessibles.

Risen 3

Des environnements et une ambiance très réussis

Mais en plus de la liberté offerte, c’est aussi sur le plan esthétique que Risen 3 renoue avec l’univers de Gothic. Il faut le reconnaître : le moteur graphique de Risen 3 commence à accuser son âge, et à l’aune des futures mastodontes que sont Dragon Age Inquisition et The Witcher 3… disons juste que Deep Silver a bien choisi le moment où sortir son jeu. Ceci dit… on ne peut que reconnaître que Piranha Bytes a su tirer le meilleur parti de son moteur, poussant le tout un bon cran au dessus du précédent épisode (malgré certaines réutilisations graphiques) : meilleures textures, meilleures shaders, meilleurs effets… tout est plus beau ! Comble du miracle, même les PNJs – qui sont bien souvent l’aspect graphique le plus raté chez Piranha Bytes – sont bien plus soignés que par le passé, notamment au niveau des personnages principaux. Mais surtout tout cela est servi par une direction artistique de haute tenue, avec une variété des plus agréables : si on retrouve quelques iles tropicales dignes de Risen 2, bien d’autres environnements renouent avec l’ambiance plus sombre et médiévale des précédents titres du studio, comme notamment les régions volcaniques de Caldera. Et un grand travail a aussi été fait pour différencier les zones, y compris d’ailleurs au niveau de la colorimétrie, où les couleurs luxuriantes des iles tropicales pourront laisse place en d’autres lieux à des teintes plus ternes et délavées.

Nouveau départ et (presque) nouveau monde

C’est donc un monde magnifique qui est ouvert au joueur dès le départ – un nouveau monde ? En quelque sorte, car il faut tout de même signaler que 3 îles de Risen 2 (dont une en DLC) font leur retour dans ce nouvel épisode – mais si on reconnait les environnements, le titre ne se limite pas à du simple copier/coller sur ce plan, et à l’instar de Gothic 2 qui nous présentait une version changée de l’environnement du premier, on les retrouve ainsi différemment, et face à de nouveaux dangers.

...à la recherche de portes infernales...

…à la recherche de portes infernales…

Mais ce nouveau départ tient aussi d’une certaine volonté de rupture sur le plan scénaristique – car si la menace des Titans sur le monde reste présente en filigrane, elle passe au second plan par rapport à un tout nouveau danger alors que des forces du monde des enfers s’infiltrent de par de la monde. Cela se retrouve aussi au niveau du protagoniste, puisque comme je le précisais plus haut, c’est un nouveau héros sans nom qui prend le devant de la scène dans cet épisode. Pour le coup néanmoins, on est un peu perplexe devant ce choix. Alors certes, ce nouveau héros avec son franc parler est plutôt agréable à suivre comparé au clone de Wentworth Miller qu’on se trimballait durant les deux premiers épisodes… mais il faut bien reconnaitre qu’on ne saurait trouver une quelconque raison scénaristique qui aurait réellement justifié ce changement de héros – d’autant que la courte apparition du protagoniste de Risen… donnerait presque l’impression de poser les bases pour un autre jeu alors même qu’il fut annoncé que Risen 3 serait le dernier épisode.

Paradoxal.

Pourtant autant, le titre joue réellement la carte de la continuité et on retrouve encore une fois une grande quantité de personnages des deux premiers épisodes. C’est pareil d’ailleurs au niveau des compagnons, relativement nombreux, et qui pour certains d’entre eux marquent aussi leur retour depuis Risen 2.

Les combats sont plus faciles avec des compagnons...

Tout est plus facile avec des compagnons…

Car en effet, encore une fois, le titre offre la possibilité d’avoir un compagnon constant de par le jeu – c’était pas trop mal géré dans le précédent volet, mais c’est encore bien plus efficace dans cet épisode, notamment grâce à un pathfinding très bien géré (même si les acrobaties pourront parfois les perdre) et surtout une présence plutôt réussie des comparses du héros au cours des dialogues où ils n’hésiteront pas à intervenir, tout comme pendant l’exploration du monde où ils ne manqueront pas de commenter sur les lieux qui les entourent.

Et si on est limité à un seul compagnon, il n’est pas rare de voir certains moments où d’autres personnages se joindront au duo principal… à se demander ce qu’attends Piranha Bytes pour tenter d’intégrer un véritable groupe !

Lutter pour survivre

Les combats avaient été le gros ratage de Risen 2, où après un Risen plutôt convaincant qui nous avait offert un système ressemblant à une version plus dynamique des combats de Gothic 1&2… le tout était revenu à une forme de clickfest insipide, faisant des nombreux combats du jeu une torture… à moins d’utiliser les armes à feu.

Des combats enfin réussis, basés sur le bon timing des attaques

Des combats enfin réussis, basés sur le bon timing des attaques

Dieu merci, Piranha Bytes a fait machine arrière sur ce point, nous offrant un nouveau système de combat qui pour le coup se rapproche du premier épisode. Ainsi, nous sommes toujours en présence d’un système de combat en temps réel, et comme c’est habituellement le cas avec les jeux du studio – tout est basé sur une question de timing. Le joueur a ainsi à sa disposition deux attaques possibles : un attaque faible avec un simple clic de souris, ou une attaque puissante en maintenant le bouton de souris appuyé et qui se déclenche au moment où on le lâche, sachant que le joueur ne peut effectuer au maximum qu’un combo de trois coup, en alliant ou non les deux types d’attaque. Cela rend donc toute forme de matraquage de bouton ineffective, et il convient donc de timer précisément ses attaques et d’alterner entre les deux formes pour choisir le bon moment où placer chaque coup quand l’ennemi attaque (sachant que les ennemis suivent les mêmes conditions de combats). Ajouté à un système d’esquive et de parade parfaitement fonctionnel et la possibilité d’utiliser une arme secondaire (pistolet, dague ou arbalète) au corps à corps ainsi que quelques évolutions au fil des compétences comme des attaques plus rapides – le tout procure un système de combat très fun et diablement efficace… même s’il peut être un peu délicat à maitriser de prime abord.

A cela s’ajoute trois formes d’école de magie selon la faction choisie (mais qui utilisent curieusement un système de cooldown au lieu de l’habituelle mana), mais également les armes à feu reprises à l’identique de Risen 2, mais toujours aussi efficace.

Casualisation ?

Là où le jeu hérite peut être d’aspects moins reluisants du précédent épisode, c’est plus par une forme de simplification globale du titre, à commencer par l’interface héritée de Risen 2, clairement étudiée pour fonctionner sur consoles et… toujours aussi médiocre.

Des PNJs moins promptes à réagir à vos (mauvaises) actions...

Des PNJs moins promptes à réagir à vos (mauvaises) actions…

Comme dans Risen 2 c’est une impression qui a tendance se retrouver dans tous les aspects du jeu, et peut frustrer quelque peu en comparaison du premier épisode et des premiers Gothic. On pourrait évoquer la difficulté des combats bien moindre (un peu challenge au début, bien trop facile par la suite – du moins en normal), mais c’est plus un effet global – ainsi les PNJs réagiront moins violemment à vos incartades par exemple, et même au niveau des ressources, on trouve toutes plantes et objets à foison faisant qu’il est peu probable de se retrouver à court de quoi que ce soit, y compris au niveau des plantes supposées rares permettant d’augmenter les caractéristiques. Il en est de même au niveau de l’interactivité se faisant a travers de menu, nuisant quelque part à l’immersion, même si elle a toujours le mérite d’offrir beaucoup de possibilités.

Si tout cela n’entrave en rien la plaisir de jeu et ne gênera d’ailleurs pas les nouveaux venus… c’est un cumul qui peut quelque peu décevoir les joueurs les plus hardcores, même si c’est un reproche qui est plus imputable à l’héritage du précédent épisode qu’à Risen 3 en soi, et il faut reconnaître que le titre a su faire demi-tour sur quelques point (en ajoutant par exemple la nécessité d’activer des téléporteurs avec des pierres avant de pouvoir utiliser le déplacement rapide) et que pas mal d’options de simplification (comme le fait d’avoir les lieux de quêtes indiqués précisément sur la carte) restent optionnels.

Le retour de la revanche des mini-jeux

Un autre point encore une fois hérité du Risen 2, et pas forcément là encore le plus intéressant, c’est la présence de mini-jeux. Deux d’entre-eux sont hérités du précédent épisode : le crochetage des serrures (globalement efficace même s’il n’a rien de palpitant) et le concours de beuveries (toujours aussi peu passionnant). A cela s’ajoute tout de même deux nouvelles épreuves un peu de la même veine : le lancer de couteaux, et des bras de fer à brase de QTE. Mieux gérés que ceux du précédent opus, on ne peut néanmoins pas dire que le tout soit très passionnant, même si cela offre un moyen aisé de se faire un peu d’argent dans le jeu.

La réelle surprise par contre vient de la présente d’un mini-jeu bien à part du reste sous la forme… de combats navals ! Oui, oui, vous ne rêvez ! Plus précisément, plusieurs fois au cour de l’aventure le joueur sera mis en contrôle direct de son galion, afin d’affronter de gigantesques créatures marines. Le résultat est pour le moins efficace, et lorgne par ailleurs du côté des derniers Assassin’s Creed. Là où le bât blesse… c’est plus paradoxalement par la frustration qu’elle cause : car en effet on se retrouve devant un système de contrôle efficace et impressionnant… et qui fait surtout regretter qu’il n’y en ait pas plus. Pourquoi ne pas avoir poussé le concept avec des combats entre navires et surtout, pour permettre naviguer de par le monde entre les iles ? On voyant cela, on se dit que cela aurait sans été techniquement possible… et aurait sans doute grandement apporté au titre (et aurait par ailleurs encore plus eu sa place dans le second épisode).

Agréable donc. Mais frustrant.

Et comme il faut bien du DLC…

Bien entendu on ne saurait conclure ce test sans évoquer les DLCs du jeu. Comme son prédécesseur, Risen 3 se voit attribué de trois contenus téléchargeables « Day One ». Contrairement à Risen 2, ils ne sont cette fois-ci pas inclus sur le disque (expliquant peut-être pourquoi ils s’imbriquent moins dans la trame globale), et donnent moins l’impression de se faire escroquer par un éditeur peu scrupuleux, d’autant qu’ils sont inclus de base dans pas mal d’éditions du jeu de toute façon.

Au final on retrouve donc deux iles de plus à explorer – donc la fameuse ile des gnomes qui faisait déjà office de DLC dans le second épisode – et d’un pack de costume d’aventurier. Les deux iles rajoutent quelques heures de jeu supplémentaires, avec des trames sympathiques et un plaisir de jeu bien présent.

Une armure "DLC" de départ un peu surdimensionnée...

Une armure « DLC » de départ un peu surdimensionnée…

Pour le costume d’aventurier par contre… c’est un peu plus mitigé, car on a un peu l’impression de se voir offrir un cheat mode livré d’office. En effet, il s’agit d’un pack d’armure complet bien plus efficace que tout ce qu’on peut trouver au début du jeu (il faut attendre de rejoindre une faction avant d’obtenir une armure équivalente dans le jeu), faisant que cela a pour effet de considérablement réduire la difficulté des combats très rapidement, et de rendre inutile tout achat des autres armures/costumes qu’on peut trouver. A chacun de juger de l’intérêt donc..

Au final ?

Soyons clair : Risen 3 ne révolutionne ni le genre, ni la formule habituelle de Piranha Bytes. En résumé si vous faites parti de ceux qui commençaient déjà à se sentir lassés avec le premier Risen, vous pouvez passer votre chemin, car ce n’est pas cet épisode qui vous fera redevenir amoureux des productions du studio allemand. Pour les autres, c’est par contre un titre indispensable, avec un Piranha Bytes au sommet de son art qui saura ravir tous les fans de la première heure avec un monde virtuel formidable servit par un gameplay soigné et un univers toujours intéressant.

Et si on espère tout de même un peu plus de risque pour leur prochaine production, il serait bien dommage de bouder son plaisir.

Risen 3 / Piranha Bytes / 2014

Points positifs…

+ Graphismes agréables…
+ Monde ouvert et vivant
+ Gameplay soigné
+ Univers et scénario intéressant
+ La « touche » Piranha Bytes à son paroxysme
+ Totalement non linéaire

…et négatifs :

– …mais moteur daté
– Musiques quelconques
– Mini jeux inégaux
– Interface moyenne
– Toujours pas de voyages en bateau
– Moins hardcore que les premiers Gothic

Réalisation : 4/5
Si le moteur graphique de Piranha Bytes accuse son âge, le tout est rattrapé par une direction artistique à couper le souffle et un world design tout simplement exceptionnel. Dommage que sur le plan musical, rien ne retienne vraiment l’attention.

Combats : 4/5
L’approche temps réel, voire limite action, des combats ne plaira pas à tout le monde, mais il faut reconnaître que Risen 3 réussit avec brio son paris avec un système de combat un peu difficile à appréhender mais très efficace, et surtout fun. Cumulé aux différentes écoles de magies et aux armes à feu, il y a de quoi s’amuser et les possibilités sont nombreuses.

 Scénario : 4/5
Là où Risen 2 virait à la caricature de pirates, ce troisième épisode renoue avec une ambiance plus sombre et ce sentiment de monde menacé de destruction à chaque instant. L’univers est intéressant et intriguant, tout comme les différents lieux visités au fil du jeu. Si la mise en scène des dialogues n’offre rien d’exceptionnelle, elle reste de bonne facture avec un doublage anglais tout à fait correct malgré un second changement de voix pour la plupart des personnages récurrents. Dommage que le tout soit entaché par une fin expéditive et un dernier acte qui laisse un peu trop de points nébuleux dans l’histoire.

 Intérêt Global (fun) : 4/5
A défaut de « retour aux sources, » ce Risen 3 se présente au final plus comme une sorte de synthèse des deux premiers volets, gommant les principaux défauts tout en conservant leurs qualités. Si les vieux de la vieille pourront regretter une certaine simplification par rapport aux premiers Gothic, cela tiendrait presque du pinaillage au vu des qualités du titres. Au final il faut surtout noter qu’en plus d’être le meilleur épisode de la série Risen, il s’agit aussi très certainement du meilleur titre de Piranha Bytes depuis Gothic 2 – et là: tout est dit.